Longue de 2 kilomètres, l’artère commerciale principale de Koenigshoffen relie le quartier au centre-ville de Strasbourg. Epiceries, kebabs, supermarchés, coiffeurs ou encore boulangeries la rythme. Son aménagement favorise peu le développement des activités économiques.
"L’arrivée du tramway va permettre de boucher des friches abandonnées et de redynamiser le quartier". Telle est l’ambition de la ville de la Strasbourg comme le souligne Luc Gillmann, adjoint du quartier Koenigshoffen. L’Eurométropole a mis en chantier une extension de trois arrêts de la ligne tram F partant de Faubourg-National et rejoignant l’allée des Comtes. Le coût du projet est estimé à 42 millions d’euros. La mairie espère grâce à l’extension du tramway apporter du dynamisme et l’ouverture de nouveaux commerces à Koenigshoffen.
"Il y a un déficit de transports en commun. Le passage des bus ici se fait mal, les gens préfèrent donc utiliser plus la voiture", explique Pierril Demange, opticien installé depuis 15 ans sur la route des Romains. Si le quartier était bien desservi par les transports publics, cela" attirerait plus de clients et aussi des entrepreneurs".
Ce recours massif à la voiture entraîne une "saturation du trafic", ajoute-t-il. Pour François Desrues, directeur de projet à l’Eurométropole pour Koenigshoffen, "le commerce dans la ville est essentiel car il est vecteur de lien social, de dynamisme du quartier et de son attractivité".
Pour l’heure, le moyen de transport omniprésent dans cette zone du quartier est la voiture et son corollaire : le stationnement.
Difficile de se garer
Installé depuis 35 ans à Koenigshoffen, Pierre Creutzmeyer, gérant de Pierre Optique constate l’aménagement inadapté de la route des Romains. "Il n’y a plus de places de parking sur la rue et le peu qu’il reste, ce sont les résidents qui les occupent. "Les travaux du tram à l’entrée de la route des Romains n’arrangent en rien la situation. Une fois terminés, le problème du manque de places de parking restera le même. En effet, toutes celles qui se trouvaient du côté pair de la rue vont être supprimées.
"Vu qu’il n’y a plus de places, les clients ne peuvent plus se garer, alors ils vont ailleurs. De plus, rien n’est fait politiquement pour redynamiser cette route. Il n’y a même pas des toilettes publiques", s’insurge Pierre Creutzmeyer. Cette situation entraîne selon lui la baisse de la clientèle. Bien que sa boutique de lunettes soit installée au centre commercial Auchan doté d’un parking, Demange Pierril partage le constat de Pierre Creutzmeyer : "La principale difficulté de la route des Romains, c’est le parking car au fur et à mesure des travaux, des places de parking ont sauté, les gens ne peuvent plus se garer et forcément ils vont aller plus loin dans les grandes zones commerciales."
Un commerce qui ferme, un Kebab qui ouvre
L’aménagement des commerces sur la route des Romains fait débat. Président de l’association des commerçants Les Enseignes de Koenigshoffen, Vincent Schiltzer déplore la rotation récurrente des commerces qui empêche la mise en place d’une dynamique commerciale.
"Beaucoup d’enseignes ouvrent et ferment une ou deux années plus tard, cela ne permet pas de construire des choses tous ensemble pour le quartier", regrette-t-il. Clément Schmitt, propriétaire de l’enseigne Micro-modèle, spécialisé dans les modèles réduits, pointe l'uniformisation des commerces : "Chaque commerce qui ferme est remplacé par un kebab, c’est à la mairie de limiter leur affluence." L'implantation d'un débit de tabac ou d’une pharmacie nécessitent l’obtention d’une licence et l’accord de la municipalité. Les restaurateurs ne sont quant à eux pas soumis à ces règlementations. De son côté, Laurent Ulgur, tenancier du kebab Lokanta nuance l’impact négatif de l’ouverture d’enseignes de restauration rapide : "Rien d’autre n’ouvre. Sans les kebabs, les locaux commerciaux seraient vides."
Le centre commercial Auchan et son parking. © Loana Berbedj
©Yacine Arbaoui
Des locaux commerciaux mal aménagés
La plupart de ces locaux commerciaux sont d’anciens appartements, réaménagés pour faire office de commerce. "Le commerce existant n’est pas toujours aux normes d’accessibilité notamment pour les personnes à mobilité réduite, comme certaines boulangeries par exemple, c’est une difficulté", constate François Desrues, pour qui "le local commercial idéal, c’est un commerce de plain-pied respectant ces normes".
Pierril Demange trouve que l’inadaptation "des locaux freine le développement économique" car "il y a des petits commerces qui disparaissent, il est difficile d’en ouvrir ici à cause des normes d’accessibilité". A cela, il faut ajouter "la politique des promoteurs immobiliers qui ne construisent que des logements sociaux sans locaux commerciaux".
Ces chantiers de construction "prouvent qu’il n’y a aucune volonté de la part des promoteurs ni de la ville de développer de grands locaux destinés aux commerces sur la route et dans le quartier Koenigshoffen en général", conclue Pierril. "La ville ne va pas construire de locaux commerciaux sur la route des Romains si c’est pour qu’ils restent vacants. On ouvre des commerces si on identifie un réel besoin", dit François Desrues. La ville de Strasbourg n’est pas dans "une logique de développement commercial mais dans une logique de requalification des surfaces existantes. On veut faire de ce quartier un quartier résidentiel mais avec beaucoup de petits commerces et de services publics".
L'ancien siège de la brasserie Gruber accueillera la maison de services publics. ©Loana Berbedj
Une maison de services publics
Pour pallier le manque de dynamisme, la mairie de Strasbourg a la volonté de créer un centre-ville à Koenigshoffen à travers un pôle de services publics qui rassemblera la mairie de quartier, la direction de proximité, le centre médicosocial et un projet autour de la lecture. C’est l’ancien siège du RSI, acheté 900 000 euros qui accueillerait cette maison de services publics, un immeuble de 1 853 m² donnant sur la route des Romains à l’entrée du parc Gruber. La ville prévoit 2 millions de travaux de rénovation. "Il est question ici de mettre en place une dynamique en mêlant les activités économiques du parc Gruber et les services publics", dit François Desrues. "L’idée est de créer un pôle attractif avec un centre-ville", ajoute Luc Gillmann, adjoint de quartier. Pour François Desrues, les commerçants "se sont beaucoup mobilisés et ont fait leur part". Maintenant c’est aussi à la ville "d’essayer de tenir une certaine dynamique par la rénovation et l’urbanisme".
Yacine Arbaoui, Mélissa Antras, Loana Berbedj et Pauline Boutin