Les villes de Hoenheim et Bischheim partagent un code postal, 67800, ainsi que 19 noms de rue. Une situation particulière qui occasionne quelques désagréments à leurs habitants et qui semble difficile à démêler.
Quand Friedrich Graffmann, résidant rue du Cimetière à Hoenheim, sort relever son courrier, il n'est jamais vraiment sûr de ce qu'il va trouver. Au printemps dernier, il a commencé à recevoir des lettres et des colis destinés à un habitant de la commune voisine de Bischheim. "Comme c'était devenu un peu compliqué, j’ai dû mettre un mot sur ma boîte aux lettres : 'Cher facteur, ici on est à Hoenheim PAS à Bischheim (même code postal). Merci de vérifier avant de déposer le courrier' ".
Les deux communes mitoyennes ont le même code postal (67800) et 19 noms de rue identiques. On imagine dès lors les possibilités d’erreurs… En témoigne cette autre résidente de Hoenheim, rue de l’Église cette fois, qui attendait un colis. Le transporteur lui a téléphoné pour lui dire qu’il ne pourrait pas livrer son paquet : une grue dans sa rue bloquait la circulation. Elle est immédiatement sortie de chez elle : pas de grue ni de livreur ! Ce dernier avait bien suivi son GPS, mais était bloqué dans la rue homonyme de Bischheim.
Une question d'habitude
C’est parce qu’elles partagent le même bureau distributeur de courrier que ces deux villes se sont vu attribuer le même code postal, en 1972, lorsque la direction des services postaux a instauré le code à cinq chiffres. "Le code postal a tellement bien marché qu'il fait maintenant partie de l'identité de chaque commune", souligne Benoît Coupechoux, ingénieur d'affaires territorial à La Poste. De sorte que l’on pense que chaque commune a nécessairement son propre code postal. Pas toujours !
C’est au bureau distributeur de Bischheim, situé rue des Magasins, que le facteur organise son courrier dans l'ordre de sa tournée. D’où l'importance de bien la connaître. "Quand il voit un nom qu’il ne connaît pas sur une lettre ou un colis, il va en conclure que celui-ci est sûrement adressé à l’autre commune. Ce sont les facteurs qui évitent ces problèmes", confie l’un d’entre eux.
Mais lorsqu’un agent distribue sur une tournée qui n'est pas la sienne ou qu’il connaît mal, les erreurs se multiplient inévitablement. Autre motif possible d’erreur, l’accélération des cadences de distribution. "Une tournée est séquencée à la seconde, explique un syndicaliste du secteur. Le facteur ne peut malheureusement pas respecter cette tournée virtuelle".
Sur sa boîte aux lettres rue du Cimetière à Hoenheim, Friedrich Graffmann a apposé un rappel au facteur. En un mois, il avait reçu “trois ou quatre lettres” qui ne lui étaient pas destinées. © Emma Bougerol
Lorsque la route de Bischwiller traverse Hoenheim, elle change de nom et devient la rue de la République. Une spécificité intrigante qui trouve son origine à la fin de la Première Guerre mondiale.
C'est en 1919, sous la mandature de Joseph Neiner, que la ville décide de modifier l’intitulé de la route de Bischwiller. À la sortie de la guerre, Hoenheim n'est pas la seule à changer le nom de ses rues dans le Bas-Rhin. "Certainement pour sonner moins allemand à la fin de l'Occupation", avance-t-on à la mairie.
Sur des cartes de la commune datant du XVIIIe ou du XIXe siècle, la route de Bischwiller avait d'ailleurs une autre appellation : Landstross. Celle-ci figure toujours aujourd'hui sur le panneau de la rue, juste en dessous du nouveau nom, hérité de la Grande Guerre.
Statu quo
L’idéal serait de résoudre le problème à la racine. Attribuer un nouveau code postal ? Depuis les années 2000, la base de données des codes de La Poste ne change plus, puisque toute modification aurait un impact sur l'organisation, le paramétrage des machines, et donc présenterait un coût notoire pour l'entreprise. Rebaptiser les rues ? Si les conseils municipaux proposent et valident les nouveaux noms de rue, les habitudes en matière d'adresses ont la vie dure : "On a constaté que quand on change le nom d'une rue, vingt ans après, on a encore du courrier à l'ancienne adresse", explique Benoît Coupechoux. Aux habitants des 19 rues homonymes de Hoenheim et Bischheim de rester vigilants, à l'instar de Friedrich Graffmann. Depuis qu’il a mis un mot sur sa boîte aux lettres, il n'a plus rencontré de problème.
Emma Bougerol
© Emma Bougerol