28 décembre 2008
Le PPE, le PSE et l'ELDR réunissent régulièrement leurs membres les plus influents pour préparer les temps forts de l’agenda européen. Conseil européen, Conseil des ministres, Commission, Parlement européen, ils veulent donner une dimension politique à toutes les institutions européennes.
Jeudi 11 décembre, jour de Conseil européen, 13 heures. Dans le décor clinquant du Palais Egmont à Bruxelles, les journalistes s’impatientent. Dans la pièce d’à-côté, les dirigeants de l’ELDR achèvent leur sommet. Bientôt, ils prennent place sur les fauteuils qui portent leurs noms pour la photo de famille. Autour de la présidente de l’europarti, Annemie Neyts-Uyttebroeck (Belgique), les Premiers ministres estonien, danois, lituanien, roumain et finlandais, cinq commissaires européens et les dirigeants libéraux d’opposition. Au même moment, à l’Académie royale de Belgique, le PPE organise un rassemblement semblable. Les chefs de partis PSE se sont retrouvés lors du congrès du parti à Madrid, la semaine précédente.
Pour les trois gros partis (PPE, PSE et ELDR), l’objectif est de préparer le Conseil européen, moment stratégique de la vie de l’Union. Il s’agit lors de ces "sommets des leaders" de rassembler les têtes qui comptent : chefs d’état et de gouvernement et dirigeants des partis d’opposition affiliés. On discute, on arrondit les angles et on harmonise les points de vues au sein de sa propre famille politique. L’ordre du jour de ces réunions est calqué sur celui du Conseil européen. Pour ce dernier sommet de la présidence française: paquet énergie-climat, plan de relance économique et Traité de Lisbonne.
Politiser les conseils des ministres
Au PPE, on a pris l’habitude d’inviter à ces sommets des partis ou gouvernements non membres de l’Union. Mais quand les sujets deviennent délicats, on restreint la liste des participants pour coller au plus près de la composition des 27. «Plus on est nombreux, plus c’est compliqué à gérer», commente Nicolas Briec, conseiller politique au PPE. A l’avenir, l’europarti s’oriente vers deux formes de sommets: restreints (avec des délégations réduites) et élargis.
Ces réunions de dirigeants sont nées à l’occasion des discussions sur le traité de Maastricht. A l’origine, on y discutait uniquement des réformes des institutions. Petit à petit, leur ordre du jour s’est élargi.
Pour les questions plus techniques, les ministres des 27 se réunissent par domaines d’activité, ce sont les Conseils des ministres de l’Union. Les europartis ont décidé de politiser les plus importants en rassemblant les membres du Conseil de leurs familles en amont de la session officielle. Le but : défricher les questions délicates.
Au PPE, ces réunions sont systématiques depuis février 2007 pour les questions d’économie et de finances et depuis décembre 2007 pour les Affaires étrangères. Le parti envisage de faire la même chose pour les questions de défense et de justice-affaires intérieures. Au PSE, la fréquence de ces réunions varie en fonction de l’ordre du jour des conseils des ministres. Les socialistes européens organisent ainsi deux ou trois fois par an des réunions des ministres des Affaires étrangères, de l’emploi et des affaires sociales ; et ils le font au coup par coup pour les formations économie et finances, développement ou défense.
Peser sur les institutions
Ces pré-réunions de ministres restent l’apanage des deux plus grands partis. Daniel Tanahatoe, conseiller politique à l’ELDR, s’y résout : «On a l’idée de le faire mais il faut être réalistes : on n’en a pas les moyens. Nos ministres ne sont concentrés que dans quelques pays».
Les europartis n’entendent pas s’arrêter là : ils tissent des liens plus étroits entre le Parlement, la Commission et le Conseil. Ainsi, le PPE rassemble une fois par mois les commissaires, le président du groupe PPE-DE au Parlement et le président de l’europarti. Au PSE, les présidents socialistes de commissions parlementaires sont invités aux pré-conseils des ministres de leurs domaines de compétence. Concrètement, l’action des europartis vise à rendre la politique omniprésente à tous les échelons de l’Union pour la rendre plus visible et plus compréhensible au quotidien.
Anaëlle Penche et Chloé Fabre, à Bruxelles
Avant d’être investi, ou non, par le Parlement, chaque candidat-commissaire est désigné par le Conseil européen en concertation avec le président de la Commission. La composition d’une Commission à 27 reflète la couleur politique des gouvernements nationaux au moment de cette désignation.
Le temps des fonctionnaires est bel et bien révolu. «Quand j'étais à la Commission, sur 20 commissaires, seuls deux n'avaient jamais été élus, se souvient Michel Barnier (PPE), ancien commissaire à la politique régionale (1999-2004). Nous avions une Commission à la fois très compétente et très politique». Un bilan qui semble le satisfaire : «Il est très important, par les temps qui viennent, que les commissaires assument cette dimension de responsabilité politique», assure le ministre de l'agriculture.
Des réunions informelles
Aujourd'hui, sur les 27 commissaires, sept sont socialistes (PSE), neuf conservateurs (PPE) et neuf libéraux (ELDR). «Nous avons pour mission d’être des politiques, donc d’appartenir à un courant de pensée, admet Jacques Barrot, commissaire français de la justice et affaires intérieures depuis avril dernier. J’appartiens au parti PPE et à ce titre j’ai des contacts plus étroits avec le groupe PPE-DE. Nous nous rencontrons régulièrement avec le président et les principaux responsables du groupe et les commissaires d’esprit PPE. Tout cela est assez informel.»
Les commissaires conservateurs se retrouvent également au sommet des leaders des europartis aux côtés des membres du Conseil européen et du Parlement de même obédience politique. L’exercice était récurrent chez les socialistes de la Commission Prodi (1999-2004) et perdure aujourd’hui.
Socialiste avant d'être tchèque
Une politisation de la Commission que confirme Vladimír Špidla, commissaire tchèque à l'emploi, aux affaires sociales et à l'égalité des chances. «Bien entendu, notre rôle n’est pas que technique, c'est aussi politique. Je suis socialiste avant même d'être tchèque.» Son portefeuille lui a été attribué notamment parce qu’il fut ministre aux Affaires sociales et directeur de l’agence de l’emploi en République tchèque. «J’ai un certain concept socialiste de la politique et mes propositions en sont issues. Par exemple, ma directive sur les comités d'entreprise était liée à mes convictions. Elle a pourtant été votée presque à l’unanimité.»
«Nous ne travaillons pas comme un gouvernement», tempère-t-il cependant. Tout d’abord, pas de sectorisation des décisions. Elles se prennent, «presque en totalité par consensus bien que le principe soit celui d’un vote à la majorité simple». Pour Jacques Barrot, les commissaires ne peuvent pas être aussi partisans qu'un gouvernement national. «Nous sommes obligés de faire passer l’intérêt général européen et de rassembler des majorités y compris avec les socialistes», affirme l’ancien centriste devenu président du groupe UMP à l’Assemblée nationale avant d’aller à Bruxelles.
Favorable aux auditions personnelles des commissaires -prévues dans la réforme du règlement du Parlement adopté en juin dernier mais déjà pratiquées-, Vladimir Špidla s’inquiète néanmoins des empiétements de la politique partisane sur l'autonomie du Collège. «Les Assemblées ne doivent pas détenir le pouvoir exécutif. De plus, la Commission européenne est un phénomène à part dans la construction européenne. Elle a une tâche très spécifique d'initiative dont les sources ne se trouvent ni dans l'intérêt des partis ni dans l'intérêt national.»
Pour Michel Barnier, «il est tout à fait imaginable que, pour gagner en légitimité, de futurs commissaires soient issus du Parlement européen». Justement, il prendra sans doute la tête de la liste UMP dans le sud-est aux européennes de juin 2009.
Alexandra du Boucheron, à Bruxelles