28 décembre 2008
En 2009, le Parlement européen fraîchement élu validera la nomination des commissaires, après une série d’auditions. Les partisans de la politisation de l'Union espèrent aller encore plus loin, en obligeant le président de l'exécutif à prendre davantage en compte la composition et les revendications du Parlement avant de nommer son équipe.
En juillet 2008, le Parlement a entériné une pratique déjà existante en modifiant l’article 99 de son règlement intérieur qui porte sur les auditions de la Commission. Le nouveau texte précise que les eurodéputés approuvent l’ensemble des commissaires “sur la base de leur compétence générale, de leur engagement européen et de leur indépendance personnelle” après avoir évalué “la connaissance de leur portefeuille potentiel et leurs capacités de communication”. Ils peuvent demander tous les renseignements utiles pour juger “l’aptitude des commissaires désignés” ainsi que “toutes les informations relatives à leurs intérêts financiers”. Une annexe nouvelle au règlement intérieur détaille la procédure jusqu'à l'investiture finale du Collège.
Peu de nouveautés mais ces précisions noir sur blanc possèdent une forte valeur symbolique. Elles montrent clairement la volonté de l’assemblée de s’approprier une partie des prérogatives encore dévolues au Conseil européen et au président de la Commission: le résultat de vingt-cinq années d’intrusion progressive dans la composition de l’institution détentrice d'un quasi-monopole de l'initiative.
Depuis sa création, le Parlement n’a cessé d’étendre son pouvoir sur la composition de la Commission. En 1981, deux ans après sa première élection au suffrage universel, l’assemblée commence par émettre des votes de confiance. Dès la seconde élection, en 1984, et jusqu’à Maastricht, le Conseil européen soumet la nomination du président de la Commission, en l’occurrence Jacques Delors, à la consultation du Bureau élargi du Parlement.
Avec la désignation de Jacques Santer à la tête de la Commission en 1994, le Parlement européen, consulté pour la première fois dans son ensemble sur le président de l’exécutif, choisit d'exprimer son approbation par un vote d'investiture. Il enchaîne en instaurant des auditions des candidats commissaires, dont le collège est globalement soumis à son vote. Le traité d’Amsterdam reconnaît la première de ces pratiques et lui confère le droit de rejeter à la majorité le candidat à la présidence de l’institution, qui est désigné par les gouvernements à l'unanimité.
Le scandale qui a conduit à la démission de la Commission
La pratique continue ensuite à précéder les textes. Lors de l’investiture de la Commission Prodi pour le mandat 1999-2004, le Parlement étend son pouvoir de contrôle individuel sur le collège des commissaires. En septembre 1999 Nicole Fontaine, alors présidente de l’assemblée européenne, demande au président italien “l’engagement d'obtenir la démission des commissaires si des allégations portées contre eux s’avéraient fondées ou si, individuellement, un commissaire ne bénéficiait plus de la confiance de l’assemblée”. Un transfert de pouvoir auquel Prodi doit consentir après le scandale financier qui a conduit à la démission de l’ensemble des membres de la Commission Santer.
Désormais la composition du Parlement et les positions partisanes influent sur les négociations entre gouvernements, qui, avec Nice, désignent leur candidat à la majorité qualifiée. Après les élections de 2004, Hans-Gert Pöttering, le leader de la plus grande force politique de l’hémicycle, indique clairement au Conseil européen que son groupe soutiendra seulement un candidat de centre droit. Il est entendu.
Le Parlement entreprend alors d'étendre son droit de regard aux nominations des candidats-commissaires. José Manuel Barroso, qui croit pouvoir passer en force, en fait les frais. A quelques heures du vote d’investiture de son collège, le président de la Commission est contraint de retirer sa liste pour éviter d’essuyer un échec. L’ancien premier ministre portugais n’avait pas assez pris au sérieux les avis défavorables émis à l’encontre de plusieurs membres de son équipe.
L’opposition des députés conduit alors à la réattribution de trois portefeuilles et au retrait de deux candidats-commissaires. L’homme politique italien Rocco Buttiglione, critiqué par la commission des libertés civiles pour ses propos sur l’homosexualité et le rôle de la femme dans la société, doit ainsi laisser sa place. La lettonne Ingrida Udre ne résiste pas aux soupçons de financement illégal qui ternissent son parti d'origine. Leur retrait entraîne un jeu de chaises musicales. Franco Frattini prend la place laissée vacante par son concitoyen et Laszlo Kovacs, remplacé par Andris Piebalgs à l’énergie, se substitue à la fugace Ingrida Udre à la fiscalité et à l’union douanière.
Pour les partisans de la politisation de l'Union, l’investiture de 2009 pourrait être l’occasion d’aller encore plus loin. Notamment en obligeant le président de la Commission à tenir davantage compte de la composition et des requêtes de l’assemblée et à anticiper les éventuels conflits.
“Nous essayons d’aller vers une Commission qui devienne comme un gouvernement avec la même majorité qu’au Parlement ou qui ait l’appui de la majorité des députés européens et des États au sein du Conseil européen”, confie Béatrice Scarascia, conseillère au sein de la commission parlementaire des affaires constitutionnelles pour le PPE-DE.
Les lignes directrices du Parlement pour l'approbation de la Commission européenne
Gautier Demouveaux, Florent Godard, à Bruxelles