Par : Sophie Bardin
On les croise sur la route, on en rencontre parfois au détour d'un couloir d'hôpital, mais les connaît-on vraiment ? Sandra Voltzenlogel et Philippe Lelièvre sont ambulanciers aux ambulances de l'étoile à Schiltigheim. Ils racontent leur quotidien et leur amour pour cette profession. Un métier exigeant qui leur mène parfois la vie dure, mais pas question de lâcher pour autant. Le binôme est solide, soudé. Ensemble, ils avalent les kilomètres à bord de leur véhicule, avec toujours la même mission : aider les patients.
Trois questions à Christian Kieger, gérant de l'entreprise Ambulances de l'étoile à Schiltigheim.
Le métier d'ambulancier est marqué par un fort turnover, le personnel ne reste pas longtemps en poste. Vous arrivez à trouver des personnes fiables lorsque vous souhaitez embaucher ?
On devient ambulancier par vocation, c'est-à-dire qu'à un moment on vit quelque chose dans sa vie qui nous mène vers ce métier là. Être ambulancier, c'est savoir aider l'autre, l'aimer, l'écouter, le comprendre. Actuellement, la perception du métier c'est : faire beaucoup d'heures de travail, de jour, de nuit, les week-ends. Pour beaucoup de jeunes aujourd'hui, c'est difficile d'envisager de travailler la nuit et le week-end. Ce n'est plus dans les moeurs donc forcément on a des problèmes de recrutement. Bien souvent quand on poste une offre d'emploi, on n'a pas de candidature du tout. A l'heure actuelle, des gens qui viennent avec une vocation pure et simple, je n'en vois pas du tout. Peut-être qu'ils s'imaginent qu'il faut un Bac+10 pour être ambulancier, alors que c'est une formation de six mois. Donc on essaie de procéder différemment, en recrutant les gens avant même qu'ils fassent la formation, la loi nous permet de les intégrer dans l'entreprise pour les amener vers le diplôme.
Le métier évolue, notamment après l'entrée en vigueur de l'article 80 de la loi de réforme des transports sanitaires, en octobre 2018. Vous vous y êtes opposé ?
Depuis l'entrée en vigueur de la loi, ce ne sont plus les Caisses primaires d'assurance maladie qui nous rémunèrent directement pour le transport. C'est l'hôpital, avec une enveloppe allouée. Ils mettent en place des appels d'offres, très drastiques. Les prix pratiqués sont tellement bas qu'on est en train tout doucement de s'éloigner de l'hygiène et de la sécurité qu'on met en place auprès de nos patients. Je me suis battu contre cette loi, pas sur Paris mais sur Strasbourg, pour manifester mon mécontentement parce que je trouve qu'on oublie quelque chose. On parle d'argent, mais on oublie complètement le patient, et celui qui va en pâtir le plus cela va être lui.
Comment faites-vous pour rester compétitif ?
Pour travailler moins cher il faut travailler plus vite, donc gagner du temps sur la manutention et sur la sécurité. Pour nettoyer un brancard, il faut du temps, et on ne peux pas le comprimer. Pour que le travail soit fait à sa juste valeur, il faut qu'il soit rémunéré à sa juste valeur. J'ai le sentiment à l'heure actuelle qu'on est en train de s'éloigner tout doucement de cet axe. Et le gain n'est pas garanti. Si l'on nettoie mal un brancard, qu'un autre patient est contaminé par une bactérie et qu'il est hospitalisé trois semaines, qu'est-ce qu'on aura gagné ? Est-ce qu'on peut se permettre ce risque là ? Mes confrères sont descendus à des prix tellement bas sur les appels d'offres, c'est impossible de suivre. Alors je réoriente ma recherche de clientèle, pour combler ma perte. A l'avenir, on travaillera moins avec l'hôpital et plus avec le privé, c'est-à-dire que l'on se concentrera surtout sur les prises en charge à domicile, commandées par un médecin.