15 mars 2012
Après avoir renoué avec la croissance l'an dernier, l'Irlande fait figure de bon élève en Europe, et pas seulement par rapport à la Grèce. Le gouvernement irlandais souhaite aujourd'hui lui aussi un rééchelonnement de sa dette, qui favoriserait un "oui" au pacte budgétaire.
Michael Noonan, ministre irlandais des finances, est membre du Fine Gail, qui gouverne avec le parti travailliste.
« Pacta sunt servanda ! », autrement dit « Respectez vos engagements et vos obligations ! » a sèchement déclaré à l'Irlande le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, lors de la réunion des ministres européens des finances mardi dernier. L'information a été révélée mardi soir par le Financial Times.
Par cette déclaration, Olli Rehn a clairement fait comprendre que la restructuration de la dette publique irlandaise vis-à vis de sa banque centrale, actuellement de 42,2 milliards d'euros, n'était pas à l'ordre du jour. Dublin devait rembourser le 31 mars prochain une première tranche de 3,1 milliards d'euros à la Banque Centrale irlandaise.
Une échéance très courte, que Dublin voulait voir repoussée, afin de faciliter un « oui » au référendum sur le futur « Pacte budgétaire » européen en mai prochain. Le Premier ministre irlandais, Enda Kenny, a affirmé que la restructuration de la dette et le référendum étaient deux questions tout à fait différentes. Les propos d'Olli Rehn font cependant courir à l'Europe le risque d'un raidissement irlandais.
Interrogé la semaine dernière sur la question, le président de la Banque Centrale européenne (BCE) Mario Draghi s'était montré moins catégorique. Il a concédé que l'Irlande avait fait des efforts, mais ne voulait à ce stade pas se prononcer sur un possible assouplissement de sa dette vis à vis de la banque centrale d'Irlande.
Une dette colossale
Frappée de plein fouet par la crise financière en 2009, l'Irlande a dû réagir vite pour sauver ses principales banques et institutions financières, l'Anglo Irish Bank et Irish Nationwide, incapables de se refinancer sur les marchés. Pour les renflouer, la Banque Centrale irlandaise a créé ex-nihilo 42,2 milliards d'euros.
Dublin est désormais tenu de rembourser ce prêt à la Banque Centrale irlandaise, qui pourra ainsi « annuler » dans son bilan les émissions de 2009 et 2010. Autrement, le non-remboursement de cette dette se traduirait à terme par une inflation conséquente.
L'actuel calendrier de remboursement impose à l'Irlande de payer 3,1 milliards d'euros par an jusqu'en 2022, puis des sommes dégressives jusqu'en 2031. Des échéances qui pèsent lourd pour le pays : ce montant équivaut à la somme annuelle des coupes budgétaires imposées en contrepartie du programme d'aide consenti par le FMI et l'eurozone. Pour l'Union Européenne en revanche, un rééchelonnement resterait sans conséquences graves, surtout au regard du cas de la Grèce.
« Je suis très déçue »
Le gouvernement irlandais argue qu'une modification de l'échéancier lui permettrait d'alléger ses besoins de financement, et d'emprunter à nouveau sur les marchés dès l'an prochain. L'Irlande souhaite ainsi conserver son optimisme : au deuxième trimestre 2011, elle enregistrait une croissance de 1,6 %. Les trois années précédentes, le pays avait connu la récession, avec un recul cumulé des activités de plus de 10 % du PIB.
Quant à l'issue du référendum à venir, les tendances peuvent basculer à tout moment. Le sondage le plus récent, publié la semaine dernière par le Sunday Business Post, donne 44 % des irlandais pour et 29 % contre le « pacte budgétaire ». Une grande partie de la population reste indécise. Les eurodéputés irlandais restent quant à eux choqués par la sortie du commissaire européen. Emer Costello (S&D), a déclaré mercredi : « Si Olli Rehn a vraiment dit ça, je suis très déçue ».
Quentin Thomas et Julie Lardon