14 mars 2012
Mardi, les eurodéputés ont invité la Commission, le Conseil et les Etats membres à prendre enfin des mesures et établir des quotas afin de parvenir à l'égalité et à la parité entre les sexes, tant au niveau politique qu'au niveau économique. Les rapports sur la participation des femmes à la prise de décision politique, et celui sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'Union européenne en 2011 ont été adoptés à une large majorité.
Avec 18,9% de femmes dans son parlement, la France reste largement en dessous de la moyenne européenne.
Deux députées de la Commission des droits de la femme et de l'égalité entre des genres ont soumis mardi leurs rapports au vote du Parlement. Le but : assurer une meilleure représentativité des femmes en politique et dans le monde du travail, par l'introduction de quotas.
Le rapport de la députée finlandaise Sirpa Pietikäinen (PPE) préconise des objectifs chiffrés et des mesures contraignantes pour les Etats membres, afin d'assurer une meilleure représentativité des femmes en politique.
La députée italienne Roberta Angelilli (PPE) s'est indignée que l'Union européenne ne compte que trois femmes chef de gouvernement, et que le Parlement n'ait compté que deux femmes à sa tête depuis son existence, Simone Veil et Nicole Fontaine. « Comment voulez-vous donner l'exemple aux Etats membres avec de tels chiffres ? » a-t-elle asséné.
Aujourd'hui, le Parlement européen compte 35% de femmes, un taux déjà bien supérieur à la moyenne de 24% dans les parlements nationaux. En tête, les pays nordiques avec plus de 42% de femmes. Chypre et Malte sont parmi les plus mauvais élèves avec moins de 10%.
L'Union européenne a lancé il y a deux ans une stratégie pour l'égalité entre hommes et femmes : d'ici 2015, la Commission européenne entend parvenir à l'objectif d'au moins 40% de chacun des sexes dans les comités et les groupes d'experts établis par la Commission.
Le rapport souhaite également que pour les élections européennes de 2014, soient proposés un homme et une femme par Etat membre au poste de commissaire européen, et que les listes électorales alternent les femmes et les hommes en tête de liste. Aujourd'hui, la Commission compte seulement un tiers de femmes, tandis que les ministères nationaux en comptent à peine 24%.
Les quotas en question
« Nous avons besoin d'une discrimination positive et de mesures législatives » a revendiqué Sirpa Pietikäinen lors des discussions communes sur l'égalité des sexes. La discrimination positive, ce sont les quotas. Cependant, le débat reste ouvert quant aux moyens à mettre en oeuvre. Mikael Gustafsson, président de la commission « droits de la femme et égalité des genres » concède que « certes, les quotas sont gênants, mais les quotas silencieux d'hommes le sont encore plus ».
Pour la majorité des députés qui se sont exprimés lors du débat lundi, les quotas restent le seul moyen de parvenir à l'égalité.
Mais il n'y a pas qu'en politique que des progrès doivent être accomplis. Sur plan économique également, le rapport de Sophia in't Veld montre le décalage encore important dans les postes à hautes responsabilités.
60% des diplômés sont des femmes, mais elles sont encore sous-représentées dans plusieurs secteurs du monde du travail, en particulier dans les conseils d'administration et dans les postes de direction et de responsabilités.
Un « potentiel inexploité »
« L'Union européenne a besoin de ce potentiel inexploité. Selon la stratégie Europe 2020, le taux des employées doit atteindre 75%, les hommes sont déjà près de ce pourcentage tandis que les femmes sont encore très, très loin », a réclamé Viviane Reding, vice-présidente de la Commission et commissaire chargée de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté. « Trois quarts des Etats membres enregistrent un progrès de 12% à 14% des femmes dans les conseils d'administration », ajoutait-elle.
Selon le rapport, seulement un membre sur sept, 13,7%, dans les plus grandes entreprises européennes, et 12% des cadres des plus grandes entreprises cotées en bourse sont des femmes. Quant aux postes de directions, seuls 3% sont occupés par des femmes.
Pour lutter contre ce décalage et pour soutenir davantage les femmes, la question des quotas se pose encore.
« Les quotas pour les femmes ? Je ne sais pas quoi en penser. Si les femmes voulaient vraiment arriver aux postes de responsabilité, elles le feront grâce a la méritocratie. Dans mon pays Margaret Thatcher, elle, est devenue Premier ministre grâce à sa compétence », a affirmé Paul Nuttall (EFD), du Royaume-Uni. Pour certains députés, essentiellement issus des partis conservateurs, les quotas sont même une forme de discrimination. « Les quotas sont une politique symbolique et une sorte d'extrémisme sexiste », a constaté le polonais Tadeusz Cymánski (EFD).
« Casser le plafond de verre »
Pour Sophia in 't Veld les quotas sont un « mal nécessaire pour casser le plafond de verre. Ils ne sont pas introduits pour donner aux femmes incompétentes la possibilité d'arriver au pouvoir ». Dans son rapport, elle propose une législation pour que la représentation des femmes dans les organes d'administration des entreprises atteigne 30% d'ici 2015 et 40% d'ici 2020.
Plusieurs députés pensent que la solution consiste dans la parité – 50% des femmes et 50% des hommes dans les entreprises. « Le succès économique d'une entreprise repose sur la parité entre les hommes et les femmes dans les postes à responsabilités », a détaillé Silvana Koch-Mehrin, députée allemande (ADLE).
La question de l'inégalité salariale occupe également les eurodéputés. À l'occasion de la journée de la femme, le Président du Parlement Martin Schulz s'en est indigné : « C'est une honte que les femmes soient moins bien payées que les hommes pour le même travail. Cela humilie tellement les femmes, nous devons tout faire pour mettre fin à cette inégalité ». Les femmes gagnent en moyenne 17,5% de moins que les hommes. Pour avoir le même salaire annuel que les hommes, elles devraient travailler 14 mois.
Stefanie Hintzmann et Julie Lardon