09 février 2024
Une nouvelle génération de végétaux va faire son entrée sur le marché européen des semences. Le Parlement européen vient d’autoriser l'importation et la commercialisation des nouvelles techniques génomiques (NTG), jusqu'ici interdites dans l’Union européenne. À certaines conditions.
Les agriculteurs de la Confédération paysanne ont manifesté devant le Parlement européen aux côtés d’associations écologistes lors des débats. © Lilou BOURGEOIS
« Nous sommes un Parlement qui dit oui à la science, qui investit pour l’avenir de l’agriculture. » L’eurodéputée suédoise Jessica Polfjärd (PPE, droite) se félicite de l’adoption du règlement sur les nouvelles techniques génomiques (NTG). Avec cette législation, les parlementaires autorisent l’importation et la commercialisation de cette nouvelle génération de végétaux génétiquement modifiés, capables de résister aux effets du changement climatique. Il s’agit d’une évolution majeure dans la législation européenne sur les organismes génétiquement modifiés (OGM).
OGM ou NTG, tout est question de définition
Jusqu’alors, ces nouvelles techniques génomiques (NTG) ne pouvaient pas entrer dans le marché européen des semences, car elles étaient considérées comme des OGM. Elles tombaient donc sous le coup de la directive européenne de 2001 qui interdit leur usage dans l’agriculture européenne par mesure de précaution, à l’exception d’une variété de maïs.
La Commission européenne a proposé de créer un cadre spécifique pour ces NTG. Elle les considère comme moins invasives pour les plantes que les OGM, puisqu'elles n’y insèrent pas de gènes étrangers. Les parlementaires ont accepté ce nouveau cadre, en définissant comme végétaux « conventionnels » les plantes ayant subi moins de 20 modifications du génome.
Une victoire pour ses partisans. « Grâce à la sélection génétique, les agriculteurs peuvent faire face au changement climatique et à la concurrence, affirme l’eurodéputée tchèque Michaela Šojdrová (PPE). Les nouvelles techniques ne sont pas dangereuses puisqu’elles n’intègrent pas de matériel génétique incongru. » Avec cette législation, l’Europe s'aligne sur les Etats-Unis et l’Amérique latine, qui commercialisent déjà ces semences. Pour Lennart Nilsson, directeur du syndicat agricole européen Copa Cogeca, les NTG permettront aux agriculteurs d’être « compétitifs » et de « développer un modèle européen dans la sélection végétale. »
« Les citoyens ne veulent pas manger des OGM sans le savoir »
Mais le règlement a suscité des inquiétudes chez les eurodéputés de gauche et les écologistes. Ils sont parvenus à imposer des limites à leur commercialisation : les NTG restent soumises à certains contrôles, comme l'évaluation des risques, le traçage et l’étiquetage des produits. « Les citoyens ne veulent pas manger des OGM sans le savoir », argumente Christophe Clergeau (S&D, sociaux-démocrates).
Par ailleurs, l’usage des NTG est interdit dans l’agriculture biologique. Le Parlement a également affirmé l’impossibilité de breveter ces technologies, afin d’éviter une dépendance des agriculteurs envers les géants industriels de la semence : « Les firmes comme Monsanto, Bayer ou Corteva font de larges profits au détriment des paysans et des consommateurs. Les agriculteurs doivent pouvoir choisir eux-mêmes leurs semences », explique Marie Toussaint (Les Verts, écologistes). La mise sur le marché des NTG doit encore être validée par les Etats membres, qui pourraient être tentés de jouer la montre, à trois mois des élections européennes.
Anna Chabaud et Lilou Bourgeois