29 février 2024
L’Europe veut limiter sa dépendance technologique par rapport à la Chine et les États-Unis. Grâce à une nouvelle plateforme, elle espère susciter de nouveaux investissements dans les entreprises européennes innovantes.
Rentrer dans la course aux nouvelles technologies. C’est l’ambition de l'Union européenne qui s'est mise au pas en créant une plateforme de technologies stratégiques pour l’Europe (STEP). Alors que la pandémie de Covid-19 a révélé sa dépendance technologique par rapport à des pays tiers comme la Chine ou les États-Unis, elle compte sur cette plateforme pour atteindre une autonomie stratégique. Trois domaines sont priorisés : l'innovation deeptech, les technologies numériques propres et économes en ressources et les biotechnologies. Il s’agit d’éviter aux États européens de nouvelles pénuries sur des matériaux stratégiques.
Made in Europe
La plateforme STEP doit soutenir l’innovation européenne, en finançant les nouvelles technologies comme l'intelligence artificielle, la 5G et la production de semi-conducteurs, indispensables à la fabrication des smartphones et ordinateurs. Elle dispose d'un financement propre de 1.5 milliard d'euros et s’appuie aussi sur les fonds de programmes déjà existants, comme InvestUE et Horizon Europe. L’objectif est d'atteindre jusqu'à 160 milliards d’investissements. Pour donner confiance aux financeurs, les entreprises bénéficieront d’un label de souveraineté, gage de qualité.
« L'objectif avec STEP c'est d'avoir une Europe forte, puissante, verte et autonome », s’enthousiasme l’eurodéputé José Manuel Fernandes (PPE, droite). Derrière cette grande ambition affichée, certains eurodéputés ne cachent pas leur déception.
Des ambitions revues à la baisse
« Il manque le plus important, c'est-à-dire l'argent », déplore l’eurodéputée Maria Poptcheva (Renew, libéraux). Alors que la Commission et le Parlement européen demandaient respectivement 10 et 13 milliards d'euros, STEP n’en recevra finalement que 1,5 milliard après négociations avec les États membres. Les conditions ne sont pas réunies pour atteindre l’autonomie voulue, selon les eurodéputés. La plateforme manquerait d’ambition. « Ce qu’on demande, c’est un fonds de solidarité doté en conséquence, avec des ressources propres », précise Henrike Hahn (Les Verts, écologistes).
La plateforme STEP doit permettre l’autonomisation de l’Europe dans des secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle et la 5G. © Élodie Niclass
Le programme STEP se voulait une réponse au plan américain pour la transition énergétique, l'Inflation Reduction Act (IRA). Mais les mesures finalement adoptées peinent à être à la hauteur de la concurrence. Même avec un effet de levier optimal, la plateforme resterait loin des 370 milliards de dollars mis sur la table par les Etats-Unis. « Le fonds de souveraineté promis n’est plus qu’un tripatouillage budgétaire, un saupoudrage archi limité », assène l'eurodéputée Nora Mebarek (S&D, sociaux-démocrates).
José Manuel Fernandes (PPE, droite) tempère : « C'est une première étape vers un fonds de souveraineté. Mettre en place un fonds comme celui-là prend du temps, c'est pour cela que nous avons créé cette sorte de projet pilote 2024-2027 ». Marc Giget, économiste et président de l’European Institute for Creative Strategies and Innovation, garde également confiance : « La dépense européenne en Recherche et Développement n'a jamais été très importante car c'est une dépense qui est généralement du domaine national. Mais les financements actés donnent le ton et préparent les coopérations entre entreprises futures. STEP va dans le bon sens ». La Commission européenne sera chargée d’évaluer les résultats de la plateforme dès l’année prochaine.
Mélissa Le Roy et Élodie Niclass