04 octobre 2019
Un mois après l’incendie au 47 rue Principale, à Schiltigheim, Emmanuelle Staub est la seule habitante de l’immeuble à n’avoir toujours pas reçu de proposition de relogement.
Emmanuelle Staub vit depuis un mois dans un gîte à Olwisheim qu'elle paie 2 000€ le mois./ Crédits photos Benjamin Martinez
Comme tous les mercredis depuis un mois, Emmanuelle Staub se rend au Centre communal d’action sociale (CCAS) de la mairie de Schiltigheim. Comme tous les mercredis, après une heure d’attente, c’est le même refrain : pas de proposition de relogement. La femme de 50 ans habitait seule avec ses deux chats dans un F2 au premier étage du 47 rue Principale. Jusqu’à ce que son bâtiment soit ravagé par les flammes, dans la nuit du 3 au 4 septembre. L’incendie, qui a coûté la vie au jeune Maël, 11 ans, a détruit deux appartements. Sept autres logements avoisinants sont devenus inhabitables.
Une situation qui a amené le bailleur social, Foyer moderne, à résilier le bail des occupants. Dans le dernier numéro de Schilick infos, la maire, Danielle Dambach, a assuré que « des solutions de relogementspérennes ont pu être proposées à l’ensemble des familles ». Mais ce n’est pas le cas d’Emmanuelle Staub. « J’ai réalisé toutes les démarches qui étaient en mon pouvoir. Malgré ça, aucun logement ne m’a été proposé, ni par la municipalité, ni par les autres bailleurs sociaux que j’ai contactés », confesse-t-elle.
Un loyer temporaire à 2 000€ par mois
« Depuis l’incendie, je vis dans un gîte à Olwisheim [à 13km au nord de Schiltigheim, ndlr] à 455,40€ la semaine », explique-t-elle. Soit 2 000€ par mois, un loyer quatre fois supérieur à son ancien logement de la rue Principale. Les trois premières semaines lui ont été remboursées par son assurance à hauteur de 1 200€. Ce délai passé, elle doit dorénavant vivre sur ses propres deniers. Son salaire de 1 000€ en tant qu’auxiliaire de vie scolaire à mi-temps à Vendenheim ne lui permet pas de solliciter un logement classique. Les portes des hôtels lui sont également fermées, à cause de ses chats.
« J’ai dû me débrouiller seule. Si j’avais attendu, je me serais retrouvée à dormir devant la mairie », raconte Emmanuelle Staub, toujours en quête d’un deux-pièces à Schilitigheim ou dans une commune du nord de Strasbourg. Benoît Steffanus, président de Foyer moderne, rappelle que, selon l’article 1722 du Code civil, suite à un incendie, « le bailleur social n’a aucune obligation de relogement. »
De mystérieuses complexités
Il n’en reste pas moins qu’Emmanuelle Staub est la seule à ne pas avoir reçu de proposition de relogement. « Nous n’avons laissé tomber aucun dossier. Je ne souhaite pas répondre sur le cas de madame Staub, déclare Benoît Steffanus. Certaines complexités font que nous ne lui avons encore rien proposé. » Complexités que l’intéressée affirme ne pas connaître. « Heureusement que je suis résistante, mais je ne tolère pas la discrimination », confie-t-elle.
Une situation anormale selon maitre Béatrice Frachet, avocate au barreau de Strasbourg, qui vient de s’atteler au dossier d’Emmanuelle Staub : « L’assurance du bailleur doit prendre en charge le relogement de la locataire. Je serai obligée de demander un référé au tribunal, si le Foyer moderne refuse de donner les coordonnées de son assureur à ma cliente », a-t-elle conclu.
Vers un règlement au tribunal ?
Le service juridique de l’Agence départementale de l’information sur le logement (Adil 67) réfute les arguments de l’avocate : « Dans le cadre d’un incendie criminel, comme dans le cas présent, le bailleur et son assurance n’ont plus aucune obligation légale envers l’ancienne locataire. La seule personne juridiquement responsable est l’auteur des faits. »
Pour l’instant, la bataille juridique ne peut pas avoir lieu tant qu’Emmanuelle Staub n’est pas en mesure de s’acquitter de ses frais de justice. « Je compte bien aller au bout à condition que mon assurance puisse me rembourser les honoraires de mon avocate », prévient-elle.
De son côté, la maire, Danielle Dambach, a avoué ne pas être au courant de la situation, tout en assurant revenir rapidement vers l’intéressée.
Benjamin Martinez et Pauline Boutin