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Des locataires à l'abandon

27 octobre 2011

Deux immeubles du quartier de la Montagne Verte vont être démolis en juin 2012. Depuis plusieurs années, ceux-ci sont laissés à l'abandon par le bailleur, CUS habitat. Des habitantes témoignent. 

 

Des portes d'entrée fracassées, des carreaux cassés, des murs défoncés, des escaliers squattés où l'odeur d'urine prend à la gorge, des appartements humides, mal isolés, pourris par la moisissure. C'est ici, dans les deux immeubles de la rue Elmerforst, à côté de l'arrêt de tram, en bordure de la Montagne Verte, que vivent encore une vingtaine de familles.

Propriété de Cus Habitat, ces blocs sont voués à la démolition, prévue pour juin 2012. En attendant, le bailleur laisse les communs de ces immeubles à l'abandon.

 

Si 40 familles ont été relogées sur les 60 appartements des deux bâtiments, les autres attendent encore des propositions de relogement censées répondre à leurs désidératas et aux possibilités du bailleur social. Rencontre avec quatre mamans isolées, démunies face à cette situation. Angela, deux enfants, sans emploi et Julia, sa cousine, cinq enfants, sans emploi. Magnolia, deux enfants, sans emploi et Cynthia, sa soeur, deux enfants, femme de ménage à temps partiel.

 


 

 Angela sort de l'immeuble, pour faire prendre l'air à son fils. Elle habite à l'avant-dernier étage ; comme les carreaux des fenêtres de la cage d'escalier sont cassés, les pigeons entrent, et meurent au quatrième étage. Genaro, sont fils, est né grand prématuré. « Lorsque les médecins ont vu les conditions dans lesquelles il vivait, ils ont préféré le garder à l'hôpital. Récemment, il avait des vers dans les scelles, car il met ses mains dans sa bouche après avoir tenu la rampe de l'escalier», explique Angela.

 

 

L'étage au-dessus de l'appartement d'Angela est envahi par les pigeons. (Photo Cuej - Elsa Sabado)

 

Julia, la cousine d'Angela, est passée par trois logements de la cité Elmerforst. Elle a quitté le second à cause d'une invasion de cafards. Aujourd'hui, elle a obtenu un bail, mais les murs sont rongés par la moisissure. Son dernier enfant est lui aussi prématuré. Toutes celles qui habitent, ou ont habité là, témoignent de phases de déprime provoquées par leurs conditions de vie. L'une a arrêté de travailler, car elle « n'avait pas la tête à ça », l'autre a des calculs dans la vésicule biliaire, « à cause du stress ». Une autre encore évoque « l'envie » qu'elle ressent lorsqu'elle entre dans des logements « normaux ».

 

Les murs de l'appartement de Julia sont rongés par la moisissure. (Photo Cuej - Marjorie Lenhardt)

 

 

Côté budget, si elles paient des loyers très faibles, leurs factures sont abracadabrantesques : elles se chauffent à l'électricité dans des appartements mal isolés. Alors, comme elles vivent quasiment exclusivement grâce aux allocations sociales, elles s'endettent.

 

Toutes les femmes de la cité saluent l'action de Maude, du service orientation, insertion, prévention. C'est grâce à elle que deux sœurs de Magnolia ont été relogées. « C'est quand Maude est intervenue, que Cus Habitat nous a écoutées. A partir de là, j'ai été relogée en trois mois », explique Sabrina, qui habite aujourd'hui aux Hirondelles. La plupart des habitantes craignent de s'éloigner d'Elmerforst. Elles ont grandi là, ne travaillent pas, et la cité, la solidarité entre sœurs ou cousines est tout ce qu'il leur reste.

 


 

Cus Habitat reconnaît que la situation est préoccupante pour ces locataires. Mais l'office public de la Ville ne veut pas agir « dans la précipitation pour reloger les dernières familles, qui sont des cas difficiles », avoue un agent du bailleur social. Une maîtrise d'oeuvre urbaine et sociale (MOUS) a démarré il y a deux ans. Elle se poursuit avec les derniers occupants de la rue Elmerforst. Cette MOUS vise à mettre en adéquation les souhaits des familles et les possibilités de relogement. « Cus habitat rencontre deux obstacles : la baisse des subventions étatiques d'une part, la pénurie de logements de l'autre », explique Christelle Charvais, responsable de la communication du bailleur social.

 


 

Le souhait des mères d'Elmerforst ? Être relogées dans le secteur. Un rêve qui semble difficile à réaliser. L'agent de Cus habitat affirme que « même si ces locataires sont prioritaires pour être relogés là où ils demandent, il n'y a pas suffisamment de places dans le quartier. Mais nous sommes en relation avec d'autres bailleurs pour voir ce que nous pouvons faire ».

L'idéal pour Cynthia, Angela et les autres... être relogées rue Elmerforst, dans les nouveaux bâtiments, dont la reconstruction est programmée en 2013. Mais qui dit nouveaux bâtiments, dit nouveaux loyers...Et il serait surprenant qu'elles continuent à payer entre 30 et 40 euros mensuels (une fois les allocations déduites).

Elsa Sabado et Marjorie Lenhardt

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