Ce 21 septembre, à Strasbourg, un homme a sorti un couteau et a agressé deux policiers qui tentaient de le neutraliser après avoir insulté et frappé deux femmes dans la rue. Il a écopé de deux ans de prison, dont six mois avec sursis.
Un homme a été condamné, ce mardi 24 septembre, pour avoir agressé deux femmes et des policiers dans la rue, à Strasbourg. Photo : Fanny Lardillier
On se serait cru dans une mauvaise parodie. Un juge abasourdi, des avocats dépassés, un public qui oscille entre colère et rire, et deux victimes, qui ne se connaissent pas mais qui, selon l’accusé, mentent toutes les deux. Parmi les huit infractions qui sont retenues contre Yves. E, ce dernier n’en reconnait quasiment aucune. Pourtant, ce 21 septembre à 19h25, c'est bien cet homme de 39 ans qui, près du cinéma Rive-Étoile, a suivi une femme en l'insultant. Quelques minutes plus tard, il a importuné une autre femme et giflé violemment une passante qui le défiait du regard. Lors de son interpellation par deux policiers municipaux, il a sorti un couteau de 15 centimètres, les a insultés et frappés violemment avant d'être placé en garde à vue.
Un prévenu qui nie en bloc
Mais ce 24 septembre, au Palais de Justice de Strasbourg, lors de son procès en comparution immédiate, rien de tout cela ne semble s’être produit si l'on en croit l'accusé. Derrière la vitre, Yves E., 39 ans, lunettes dorées sagement posées sur le nez, reconnaît seulement avoir suivi la première femme, et avoir mis une gifle à l’autre. Le motif ? "Elle me provoquait, elle se moquait de moi alors que je n’avais rien fait." Concernant les insultes à caractère sexuelles assénées à l’encontre de la première victime, il nie encore et explique que cette dernière, voulait "enflammer l’histoire".
Face à cet homme qui affirme avec aplomb n’être qu’une victime, le président d’audience finit par élever la voix : "Enflammer l’histoire", répète-t-il, incrédule. "C’est difficile de garder son calme avec vous. Vous pensez qu’elle a voulu venir au tribunal un mardi après-midi pour le plaisir de raconter des histoires ? Elle va tranquillement au cinéma, rejoindre une amie, et s’est retrouvée à avoir peur pour sa vie."
Sororité entre les victimes
Les deux victimes, qui ne se connaissaient pas, se tiennent désormais courageusement la main sur le banc du tribunal. Tour à tour, elles s'avancent pour raconter à nouveau le traumatisme qu'elles ont subi. À chaque fois, Yves E. les interrompt : "C’est faux", insiste-t-il. Exaspéré, le président finit par donner la parole à la dernière victime avec une pointe d'ironie : "Écoutons donc une autre menteuse". La femme d’une quarantaine d’années, qui avait défié l’homme du regard, s’avance en tremblant au micro. "Depuis que j’ai su qu’il avait deux couteaux sur lui, j’imagine qu’à la place de sa main quand il me gifle, c’est un couteau", dit-elle avant d’exploser en larmes. Plus tard, son avocat saluera son courage : "C’est aussi à nous de lui dire qu’elle a eu raison, malgré ce qu’elle a vécu, de s’interposer. Et que ça ne restera pas impuni."
Un profil "étonnamment dangereux"
Face à la déposition extrêmement détaillée des policiers qui expliquent avoir dû sortir leurs armes pour tenter de neutraliser Yves. E qui les menaçait, le prévenu se contentera de nier avoir sorti un couteau et invoquera la "légitime défense". Le président d’audience le coupe à plusieurs reprises, avant de lui lancer : "Vous êtes quelqu’un d’étonnant, d’étonnamment dangereux." Face à l’attitude de son client, l’avocat du prévenu semble avoir du mal à le défendre : "La seule chose que je comprends est qu’il est terrassé par la peur. Et, au vu de cette audience, il semble avoir besoin d’un accompagnement psychologique." Mais la Procureure de la République restera catégorique : "C’est un profil très inquiétant. Et le pire est que Monsieur pense que la rue est à lui". Les juges confirmeront la peine requise pour Yves E. : 2 ans de prison ferme dont 6 mois avec sursis, 2 072 euros pour les deux policiers et 3 000 euros d’amende pour les deux autres victimes.
Fanny Lardillier
Édité par Mélissa Le Roy