Présélectionnés à Colmar en janvier, certains vins alsaciens participeront au concours général agricole de Paris. Si les macarons étincelants font vendre les bouteilles en grande surface, les cavistes s’en méfient.
Parmi ses références, le caviste strasbourgeois Benoit Hecker ne vend aucune bouteille médaillée. ©Lisa Delagneau
À la fin janvier, près de 500 échantillons de vins alsaciens ont passé les pré-sélections à Colmar, pour espérer participer à la finale. Celle-ci aura lieu au Salon de l’agriculture de Paris, du 24 février au 3 mars 2024. Riesling, sylvaner, pinot blanc, muscat… Seuls les vins bénéficiant des Appellations d’origine contrôlée «Alsace» et «crémants d’Alsace» sont dégustés dans ce concours international. Les bouteilles récompensées d’une médaille garantissent à beaucoup de producteurs de meilleures ventes.
Selon Frédéric Roy, coordinateur du concours général agricole à la Chambre d’agriculture d’Alsace, une bouteille médaillée peut se vendre «entre 20 et 30 centimes de plus» qu’une autre sans distinction. Ce qui n’est «pas énorme», mais le macaron permet aussi de «mieux vendre le vin» et «d’écouler assez rapidement les stocks». Le Domaine Xavier Muller, dont les vignobles se trouvent à Marlenheim, dans le Bas-Rhin, en a fait l’expérience. Leur sylvaner cuvée Emile 2020 a reçu le grand prix du jury, la plus haute récompense attribuée au Mondial des vins blancs, en 2022. «Les retombées étaient énormes : deux mois après avoir reçu le prix, on n’avait plus rien [en stock]», raconte Pierre Muller, fils du gérant du domaine familial. Il le reconnaît : «Les médailles rapportent quand même pas mal de choses. Encore plus en grande surface, parce que les gens choisissent souvent en fonction de la médaille sur l’étiquette.»
Le macaron brillant d’or, d’argent ou de bronze constitue surtout un repère pour guider le consommateur parmi les innombrables bouteilles en rayons de supermarchés. Les boutiques spécialisées, elles, s’en distancient. Les médailles ne constituent en aucun cas un critère de sélection pour Thierry Hoffer, responsable de la boutique Art du vin, à Strasbourg : «Nos clients n’y sont pas particulièrement sensibles. C’est justement le travail du caviste de choisir des vins. Les gens viennent chez nous pour avoir notre conseil, ils nous font confiance.» En passant rapidement en revue les 500 références de sa boutique, le caviste trouve seulement deux bouteilles médaillées.
«La médaille n'est pas indispensable»
Au Domaine Willy Gisselbrecht, qui participe tous les ans au concours parisien, mais aussi à ceux de Lyon et Mâcon, les médailles remportées ne sont pas apposées sur toutes les étiquettes. «Quand on vend au caveau, où on est directement au contact du client, la médaille n’est pas indispensable, concède Claude Gisselbrecht, gérant du domaine. On est face à nos consommateurs donc on peut discuter du vin, les conseiller.»
Si les concours les plus reconnus permettent d'accroître les ventes en France, mais aussi à l’étranger, les concours locaux se multiplient : 126 sont autorisés dans l’Hexagone. L’inscription étant payante (compter 115 euros pour présenter un échantillon), seuls les producteurs souhaitant participer peuvent voir leurs cuvées récompensées. «Les domaines les plus reconnus, ceux qui sont déjà établis et qui vendent bien leurs vins, n’ont pas besoin de ces médailles», explique Benoit Hecker, caviste chez Oenosphère, installé depuis 17 ans à Strasbourg.
La feuille de chêne brillante n’est donc pas un indicateur exhaustif de l’excellence du vin : des centaines de bouteilles de très grande qualité ne la possèdent pas pour autant sur leur étiquette. Même si la loi indique qu’au maximum un tiers des échantillons qui concourent peuvent recevoir une récompense, les producteurs qui tentent leur chance sont tout de même rarement déçus.
Lisa Delagneau
Édité par Océane Caillat