À l’approche de Mardi gras, le 21 février, nous sommes déjà en pleine saison de carnaval. Les festivités, fortement influencées par nos voisins allemands, s’inscrivent dans une tradition très ancienne de la vallée du Rhin.
Quand les jours se rallongent, quand les nuits deviennent plus douces, commence ce qu'on appelle la « cinquième saison de l’année » : le carnaval. Une tradition ancestrale de festivités, où les villes et villages bas-rhinois organisent des défilés et des bals déguisés. Plusieurs jours de « folie », d’excès alimentaires et de beuveries afin de chasser l’hiver, mais surtout pour s’amuser.
Très populaire en Suisse alémanique et dans le Bade-Wurtemberg en Allemagne, le carnaval alsacien est fortement influencé par les festivités des régions voisines. À Mothern, village du nord de l’Alsace, les préparations ont débuté il y a plusieurs mois. Malgré l’esprit de fête assumé, le carnaval est une affaire sérieuse pour les Mothernois. « À partir de jeudi, le Schmutziger Donnerstag, et jusqu’à Mardi gras [le 21 février], on fait un bal tous les soirs », explique Martine Ball, présidente du comité des fêtes de Mothern. De plus, le dimanche, environ 40 chars participent à la cavalcade, une longue parade multicolore à travers tout le village.
Le lundi est réservé au carnaval des enfants qui se déguisent en grands-mères ou grands-pères et vont de maison en maison. Puis les festivités se terminent avec un défilé nocturne le mardi soir : « C’est la crémation de la sorcière. » Une poupée déguisée, bien sûr. Parenthèse historique : la sorcière représente les esprits sombres censés régner pendant l’hiver. Elle est donc pourchassée et… brûlée.
À l’Antiquité, les esclaves devenaient maîtres le temps du carnaval
Déconcertant pour ceux qui ne sont pas de la région, incontournable pour les autochtones, le carnaval a de multiples origines qui remontent à l’Antiquité. Dans l’ancienne Babylone, il existait déjà des fêtes qu’on appelait les « Sacées ». D’après la tradition, les esclaves commandaient à leurs maîtres et inversaient donc l’ordre établi pendant cinq jours. À la même époque, des rituels comparables avaient lieu en Grèce ou à Rome. Dans la vallée du Rhin, les premières traces carnavalesques datent du Moyen-Âge.
Dans la tradition chrétienne, le carnaval marque les derniers jours avant le Carême. D’où son nom : le mot carnaval vient du latin « carnelevare », composé de « carnis » (chair) et « levare » (enlever). Ce sont donc des jours durant lesquels on a le droit de manger et boire ce que l’on veut, autant qu’on le souhaite. À partir du mercredi des Cendres, le quotidien est de retour. En mémoire de la souffrance et de la mort de Jésus, les chrétiens doivent alors se priver de viande, d’alcool et de festivités jusqu’à la résurrection de Jésus, à Pâques.
Chaque ville a ses propres traditions
Retour à Mothern. Ici, on croit que le carnaval est venu d’Allemagne. « Ce qu’on dit, c’est que les bateliers qui ont traversé le Rhin, ont apporté cette fête », raconte Martine Ball. La cavalcade du carnaval aura lieu pour la 47e fois à Mothern.
Aujourd’hui, l’origine à la fois païenne et chrétienne est passée au second plan. Même si chaque région, chaque ville, a ses propres traditions, elles restent toutes unies par la joie de la fête et du commerce. Chars, fanfares, chants et danses endiablés : les adultes et les enfants en costumes étranges, drôles ou effrayants, donnent tout ce qu’ils ont pour chasser l’hiver et échapper, un instant, à leur quotidien.
Lucia Bramert
Édité par Luc Herincx