Être l’artiste ou même l’œuvre ? C’est possible dans une nouvelle exposition à Strasbourg. Webex vous fait visiter.
L'exposition se tiendra jusqu'au 1er juin 2025, au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg. Photo : Shawn-Orric Dreyer
Un tapis de bonbons bleus et blancs sur le sol. Un revêtement de sol fait de journaux. Une œuvre en eau qui va bientôt disparaître et un pullover jaune qui attend d’être enfilé par deux visiteurs. L’exposition Mode d’emploi – suivre les instructions de l’artiste a ouvert ses portes vendredi 27 septembre au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg (MAMCS) : les visiteurs peuvent y interagir avec les œuvres et même devenir eux-mêmes l’artiste ou l’œuvre.
Après une salle avec d’énormes formes géométriques sur les murs et 16 cartons d’emballage au milieu, on découvre dans une autre salle ce qui ressemble à un papier peint : des bandes bleues et blanches, homogènes, parallèles. Ce mur a été conçu pour la première fois en 1985 par Daniel Buren et suit sa consigne selon laquelle la bande colorée doit changer de couleur à chaque fois qu'elle est présentée dans une nouvelle exposition, selon le principe “jamais deux fois le même travail”.
“On n’a pas osé les toucher” : une exposition entre les contraires
Juste en face de ce mur, des centaines – peut-être des milliers – de bonbons bleus et blancs jonchent sur le sol. Une installation de Felix Gonzales-Torres encourage les visiteurs à modifier la disposition des bonbons, à les toucher et à réinterpréter les modalités d’activation. “On n’a pas osé les toucher”, dit Maxime Bosse, 27 ans, qui vient de terminer ses études en commerce. Thomas Cragnaz ajoute en riant : “Mais on les avait presque mangés.”
L'exposition a lieu au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg, près de la Petite-France. Photo : Shawn-Orric Dreyer
Il vient aussi de terminer ses études, en communication cette fois. Le jeune homme de 28 ans trouve l’exposition “vraiment abstraite : je n’ai pas compris le sens de toutes les œuvres”. Maxime Bosse lâche une critique : “Ce n’est absolument pas le style d’art qui m’a touché.”
Plus de 50 œuvres jouent avec les sens
L’exposition au MAMCS s’intéresse aux œuvres “à protocole”. Depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui, elles parcourent la création contemporaine. Leur principe : l’artiste donne une instruction sous forme écrite, orale ou dessinée. Puis le public peut interagir avec l’œuvre, comme avec les bonbons bleus, ou la réaliser, comme dans le projet de l’Autrichien Erwin Wurm. Une petite instruction dans le coin d’un plateau montre deux personnes en train d’enfiler un pullover ensemble. Sur le plateau : le pullover jaune.
“On ne l’a pas mis”, dit Maxim Bosse : “Beaucoup l’avaient certainement porté auparavant. C’est une question d’hygiène”, explique-t-il. L’interaction est peu conventionnelle pour un musée où prédominent les instructions “ne pas toucher”. Sur les quelque 25 visiteurs qui ont suivi le parcours jusqu’à midi, aucun n’a interagi ou “activé” une œuvre.
“L’œuvre est ouverte. L’artiste n’impose plus sa vision du monde mais produit des systèmes qui permettent à chacun de se faire la sienne”, a écrit le peintre Claude Rutault. Avec ces mots, l’artiste conceptuel aborde un aspect immanent de l’œuvre à protocole : la délégation. Mais il semble que les visiteurs ne voulaient pas se laisser déléguer ou qu’ils ne savaient pas en avoir la possibilité.
Ils pourront le faire jusqu’au 1er juin 2025. L’occasion de se plonger dans un univers plus ou moins inconnu : c’est la première fois qu’une exposition donne à voir en France les œuvres à protocole des années 1960 à nos jours.
Shawn-Orric Dreyer
Édité par Yves Poulain