Au tribunal de Strasbourg, deux prévenus étaient jugés pour détention, usage et revente de stupéfiants, la troisième pour usage et acquisition des substances. Une audience ponctuée les récits confus et les accusations mutuelles des deux hommes, qui ont reconnu les faits.
L'audience s'est déroulée au tribunal de Strasbourg, le 27 septembre 2024. Photo : Gabrielle Meton
Ils se tiennent stoïques, visage impassible derrière la vitre en plexiglas. Le plus âgé à la quarantaine passée, la benjamine bientôt 23 ans. À les voir, on chercherait presque ce qui relie les trois prévenus, impliqués dans un trafic de stupéfiants.
Le récit des faits s'ouvre sur une dénonciation digne d'un polar. En janvier 2024, une femme vient dénoncer le trafic qui se déroule dans tout un immeuble de la banlieue nord de Strasbourg. Au rez-de-chaussée du 11 rue de la torture, à Haguenau, le bar "Le Libération" serait un lieu d'échange de stupéfiants, parfois de prostitution. Mohamed H. et Essadik B. habitent tous les deux l'immeuble, voisin à quelques étages d'écarts. Elle dénonce le trafic de Essadik B., sur plusieurs années, qui serait connu comme celui "qui remplit la cocaïne dans le bar".
Consommer oui, vendre non
Lorsque les policiers viennent perquisitionner son appartement quelques mois plus tard, ils tombent sur Maimouna D., sortant de l'appartement de A., avec 39 bonbonnes de cocaïne sur elle. La perquisition confirmera la détention de près de 33 grammes de cocaïne prête à être revendue, balance de précision, ainsi que d'une arme de poing. "S'il y a bien un milieu ou on peut faire confiance à personne, c'est bien les stups", commente le président du tribunal d'un ton presque las. Debout dans le box des prévenus, sourcils haussés et moue affligée, Essadik B. reconnait la consommation et la détention de cocaïne, d'héroïne, et de cannabis, mais nie toute volonté de commerce. Il vendait “seulement pour” financer “sa consommation”, répète-t-il à tout-va, jusqu’à un échange presque absurde avec le président du jury passablement agacé :
"- Donc vous reconnaissez la détention de stupéfiants, et que vous en avez fait un commerce…
- Non, c’était juste pour ma conso, pour moi, ce n'est pas du commerce.
- Si, c'est du commerce puisque vous revendez.
- Bon, ok.”
Stupéfiant comme médicament
Essadik B. dit n’avoir vendu que rarement des stupéfiants à Mohamed H., rencontré lors du déménagement de ce dernier dans la région strasbourgeoise, il y a trois ans. Il avait auparavant été placé sous suivi psychiatrique à Bourges durant deux ans. Mohamed H. bafouille en racontant la mort de sa mère vers ses trois ans. Il cherche ses mots, mains levées devant son visage, quand il évoque une nervosité dont il souffrirait depuis toujours. Le stupéfiant serait devenu son "médicament " contre ses troubles psychiatriques. Les douleurs d'une agression au couteau par un collègue l'empêchent de travailler ; sa consommation de drogues en tout genre, qu'il reconnaît, l'empêche d'obtenir son permis.
Mohamed H. dit avoir toujours chercher à protéger Maimouna D. sa compagne depuis quelques mois, ne pas la laisser monter "à l'étage", lorsqu'il préparait la marchandise chez Essadik B. Le président du tribunal décrit des vidéos "comme dans Scarface", qui montrent "une montagne de cocaïne" sur une table, et des barrettes de cannabis.
Gabrielle Meton
Édité par Louise Pointin