Le profil judiciaire du suspect de Philippine, un Marocain de 22 ans sous le coup d'une OQTF, relance le débat autour de l’exécution des expulsions et laisse la place aux imprécisions. Mise au point sur les principales déclarations politiques de la journée.
Le corps de Philippine avait été retrouvé samedi 21 septembre dans le bois de Boulogne. Photo : Tsuyoshi Kaneko
Un homme a été interpellé mardi 24 septembre au soir, à la gare de Genève en Suisse, quatre jours après la découverte du corps de Philippine au bois de Boulogne. Taha O. aurait utilisé la carte bleue de l’étudiante le soir de sa disparition, faisant de lui le principal suspect du meurtre. Le Marocain de 22 ans faisait l'objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), une mesure d’éloignement du territoire, depuis juin 2024 et avait déjà été condamné pour viol. Sa remise en liberté d’un centre de rétention administrative deux semaines avant le meurtre a suscité des réactions politiques parfois confuses, que Cuej.info a passé au crible.
"L’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers"
"Pour la sécurité des Français, l’expulsion systématique des délinquants et criminels étrangers est un impératif", a déclaré le député macroniste Charles Rodwell sur X, suite à l’arrestation du suspect par les autorités suisses. Une telle mesure pourrait se heurter au principe constitutionnel de la justice, qui a pour but de traiter à égalité tous les individus sur le territoire français, sans discrimination de nationalité.
Sur le fond de la déclaration, l’expulsion du suspect dans le meurtre de Philippine était bien prévue par l’État francais et tout avait été mis en oeuvre pour qu’elle soit exécutée. La remise en liberté est due à l’attente d’un laissez-passer consulaire de l'État marocain. Un cas qui ne fait pas exception dans les obstacles à l’exécution des OQTF, souvent rendues inapplicables pour des raisons matérielles, administratives et diplomatiques. Ces dernières années, le Maroc et l’Algérie ont seulement accepté la moitié des demandes françaises pour un laissez-passer consulaire, et à peine un tiers de réponses étaient favorables pour la Tunisie. L'État français peut également devoir prouver la nationalité d’une personne arrivée sans papiers en partenariat avec les consulats, ce qui peut rallonger les délais.
Lenteur et laxisme judiciaire
Sur Franceinfo, François Hollande a mis en cause le rythme de la chaine pénale et administrative. "C’est le problème des OQTF, il faut que ça aille vite", a souligné l’ancien président de la République. Le président du Sénat Gérard Larcher considère le fonctionnement de la chaîne pénale comme l'"une des urgences" à traiter. Difficile d’accélérer l’expulsion d’une personne si l’on tient à rester dans le cadre prévu par la loi.
La rétention de Taha O. avait été prolongée à trois reprises, dans l’attente de la délivrance du laissez-passer consulaire du Maroc. Après 75 jours de rétention, celui-ci a cependant été remis en liberté, avec l’obligation de pointage au commissariat et une assignation à résidence dans un hôtel de l'Yonne. Dans son cas, le cadre légal ne permettait plus de prolonger sa détention : la non délivrance d’un document consulaire ne figure pas parmi les critères permettant d’aller jusqu’à la durée de rétention maximale de 90 jours. Les délais d'exécution et de jugement de l’OQTF ont donc respecté ceux prévus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Inutile aussi de crier au "laxisme judiciaire", comme l’ont fait les élus député et eurodéputé du Rassemblement National Julien Odoul et Jordan Bardella, puisqu’il s’agit d’une stricte application de la loi.
Gabrielle Meton
Édité par Kenza Lalouni et Yves Poulain