2024 a été marquée par une forte pluviométrie en Alsace, avec un record battu au mois de mai. Selon Pierre Kastendeuch, professeur de climatologie, ces épisodes pluvieux sont une bonne nouvelle pour notre environnement.
L’année 2024 a été arrosée en Alsace. À Strasbourg, le mois de mai a même atteint des records en devenant le plus pluvieux depuis les premiers relevés, en 1922. D’après le bilan climatique de Météo France, l’été a aussi dépassé les normes de saison avec des précipitations excédentaires de 20 à 50 % dans le Grand Est. Pierre Kastendeuch, professeur de climatologie à la Faculté de géographie de Strasbourg, explique à Webex les origines et conséquences de ce phénomène.
Comment explique-t-on l’excès de pluie en Alsace ?
Du hasard des mouvements atmosphériques. Plus précisément, des anticyclones subtropicaux qui stationnent dans les îles des Açores, dans l’Atlantique. En été, ils se déplacent généralement vers le nord, enveloppent la France et la protègent des intempéries. Et quand ils remontent vers l’Europe, ils entraînent avec eux de l’air chaud qui crée des vagues de chaleur. Cette année, l’anticyclone des Açores n’a pas bougé, privant le continent des effets de son mouvement. C’est dans ce cas de figure précis que les précipitations se forment sur l’Atlantique et s’abattent sur l'Europe.
L’augmentation des précipitations n’a donc rien à voir avec le réchauffement climatique ?
Non. Il ne faut pas confondre excédent de pluies et multiplication des inondations, qui est la conséquence directe du réchauffement climatique. L’air devient plus chaud, l’eau s’évapore, ce qui donne des précipitations plus abondantes. Elles sont plus violentes, mais s’étendent sur une période plus courte. Dans ce cas de figure, les sols ne parviennent pas à absorber l’eau d’un coup, et c’est cela qui engendre des crues et des catastrophes naturelles.
Début juillet, l’Institut technique agricole Arvalis a publié une estimation des récoltes de blé tendre en France, qui devrait baisser de 13 % en 2024. Faut-il s’inquiéter de ces épisodes pluvieux ?
L’excédent de pluie n’est pas forcément une mauvaise chose. Effectivement, une pluviométrie trop élevée peut compromettre les rendements agricoles. Certaines cultures nécessitent des conditions bien précises pour arriver à maturité correctement. Le blé, par exemple, a besoin de période sèche. La vigne, de chaleur et de soleil. Sinon le rendement est faible et le raisin est moins sucré. Mais les autres végétaux doivent s’abreuver en été. La tendance est plutôt à la sécheresse et aux canicules ces dernières années, alors il faut se réjouir quand ce n’est pas le cas.
Quel est l’impact d’une pluviométrie trop intense en zone urbaine ?
La végétation en ville souffre comme les autres plantes. En Alsace, les nappes phréatiques sont près de la surface. À Strasbourg, on constate que les arbres ne souffrent pas du stress hydrique, car leurs racines atteignent facilement les réserves d’eaux souterraines. En revanche, les pelouses ont un système d’enracinement moins profond et ne peuvent puiser de l’eau qu’à trois ou quatre mètres de profondeur. Une herbe verte régule la chaleur, alors qu’un gazon grillé entraîne une augmentation de la température du sol avec le réchauffement. Il devient du vrai béton. Les pluies sont donc plutôt les bienvenues.
Athénaïs Cornette de Saint-Cyr
Édité par Shawn-Orric Dreyer et Mathilde Stöber
En Alsace, le mois de mai est le plus pluvieux de l'année. Photo : Lionel Allorge