Dans un tribunal transformé en arène, le réalisateur Cédric Kahn livre avec justesse l’histoire du procès du militant d’extrême gauche Pierre Goldman, dans un huis-clos judiciaire haletant, sur fond d’antisémitisme.
Le Procès Goldman, réalisé par Cédric Kahn, a été présenté en film d'ouverture de la Quinzaine des cinéastes au Festival de Cannes en mai. Crédit : bande annonce Youtube Le Procès Goldman / Ad Vitam Production
L’affaire a fait grand bruit. En Pierre Goldman, figure médiatique importante, surtout après la parution de son livre Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France, ils avaient trouvé le coupable idéal. Un homme juif laïque, intellectuel, militant d’extrême gauche, voyou et guérillero, condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un qui a coûté la vie de deux pharmaciennes, ce qu’il nie catégoriquement. En novembre 1976, un second procès s’ouvrit à Amiens.
Un accusé déterminé et complexe
Musique absente, aucun flash-back, montage nerveux. Les témoignages et passes d’armes entre l’avocat général et l’avocat de la défense s’enchaînent dans une salle chauffée à blanc fracturée entre les opposants et les soutiens de l’accusé Pierre Goldman. Incarné par Arieh Worthaler (déjà remarquable en amant fantôme dans Serre moi fort d’Amalric), il apparaît fantasque et incontrôlable dans le rôle de Goldman. En parfait contrepoint, choisir de confier le rôle de l’avocat Georges Kiejman au réalisateur Arthur Harari se révèle déterminant. D’abord fébrile et presque mal à l’aise dans la première scène du film, il apparaît par la suite confiant et convaincant une fois sa robe d’avocat endossée. Ses tics et sa voix porte moins que celle de son client et des autres acteurs du tribunal mais Harari s’affirme pourtant comme un personnage singulier.
Des personnages au premier plan
Nul doute, dans les films de Cédric Kahn, les acteurs ont bel et bien leur place dans un huis-clos parfaitement maîtrisé, sans multiples coupures. C’est même la préoccupation principale de cet acteur/réalisateur. Par-delà la reconstitution du procès en cour d’assises de Goldman, le cinéaste place avec justesse et continuité, ses personnages au centre. La lumière artificielle du tribunal met en avant ces hommes et ces femmes tels des portraits dans un format carré 1:33. Puis, un zoom sur leurs visages nous délivre leurs hésitations, leur colère, leur tristesse. Quoi de mieux qu’un procès pour livrer son jeu d’acteur ? Car une fois la porte du tribunal franchie, on n’a plus affaire à des personnages mais à des comédiens.
Au sein de cette tendance qu’a le cinéma français de fréquenter les palais de justice, à l’instar de la dernière Palme d’or Anatomie d’une chute (réalisée par Justine Triet) le film se démarque par une narration infaillible, où rien ne dépasse mais qui manquerait presque un peu d’audace.
Écrit par Azilis Briend
Édité par Marine Fersing