Le moustique-tigre, vecteur de maladies graves, envahit désormais les trois quarts du territoire français. Pour contrer la prolifération, l'Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg parie sur la modification génétique.
Le moustique-tigre est une espèce essentiellement urbaine. Photo : snowyowls
Ils sont connus pour sucer le sang de l’Homme et perturber son sommeil. Les moustiques-tigres (Aedes albopictus) sont surtout de potentiels vecteurs de maladies graves, telles que le paludisme, la dengue ou le virus Zika. Depuis quelques années, l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire (IBMC) de Strasbourg travaille sur des moyens de stopper leur expansion en France, où ils se sont installés depuis 2004. Vingt ans plus tard, ils étaient présents dans 78 des 96 départements de l’hexagone, selon l’Agence régionale de santé (ARS) du Grand Est. "On ne peut plus lutter contre les moustiques-tigres avec des insecticides, juge Eric Marois, chargé de recherche au sein de la structure alsacienne. Ce sont des mutants. Ils s’adaptent."
Empêcher la reproduction
Alors, dans leur laboratoire, les chercheurs de l’institut alsacien tentent de trouver d’autres solutions pour calmer les ardeurs du nuisible à l’échine noir et blanche. La première d’entre elles existe déjà. Il s’agit de la technique de l’insecte stérile. Elle consiste à stériliser des insectes indésirables à l’aide de rayons gamma ou de rayons X. Cette méthode peine pour le moment à s’appliquer sur les moustiques, "car on les estime trop fragiles", souligne Eric Marois.
Depuis quelques mois, L’IBMC de Strasbourg étudie une alternative, celle de la modification génétique. Le but est toujours de freiner la reproduction de l’espèce, en transformant les femelles en mâles, ou de garantir aux mâles une descendance masculine. Techniquement, la méthode consiste à introduire le gène de la masculinisation dans un œuf de moustique. La population de femelles, responsables des piqûres et donc de la transmission des virus, devrait en théorie diminuer.
Une absence de législation
Les tests effectués sont encore peu nombreux. Le Burkina Faso a essayé ce procédé en 2018, alors que le pays était déjà en proie au paludisme. Mais il n’existe toujours pas de certitude sur la capacité du gène de la masculinisation à se recopier efficacement sur les autres chromosomes chez les moustiques-tigres. Parmi les solutions avancées par les chercheurs, une autre technique de forçage génétique est donc envisagée. Cette fois, il s’agirait d’extraire les gènes de fertilité femelle aux filles des mâles, sans avoir besoin de les transformer.
"En principe, on pourrait utiliser une de ces clés. Mais les opérateurs (structures missionnées par l’ARS afin d’encadrer la présence des moustiques-tigres dans les départements touchés) n’ont pas encore choisi de le faire, indique Eric Morois. Il faut être équipé, et surtout, il n’y a pas encore de législation précise à ce sujet."
"Je n’ai pas envie d’imposer mes moustiques transgéniques"
La situation est pourtant alarmante. Dans le Bas-Rhin, les communes envahies par l’insecte originaire d’Asie s’additionnent. "L’été 2024 a été très chargé. La météo pluvieuse a poussé le moustique-tigre à investir les foyers", explique Laëtitia Delsemme, responsable technique du syndicat de lutte contre les moustiques (SLM67) dans le département. Pour elle, "le moustique-tigre va continuer à se répandre". Aujourd’hui, seules des démoustications ponctuelles et ciblée ainsi que des campagnes de sensibilisation sur l'eau stagnante, tempèrent le phénomène. "C’est tout ce qu’on a pour le moment", poursuit la membre SLM67.
Doit-on pour autant tout miser sur les moustiques modifiés génétiquement ? "Ça peut faire peur, reconnaît Eric Marois. Je n’ai pas envie d’imposer mes moustiques transgéniques. On travaille pour éviter chaque danger. Puis lorsque tout sera prêt, on en discutera avec la société." Les moustiques-tigres ont encore quelques belles années devant eux.
François Bertrand
Édité par Athénaïs Cornette