Porteur de la très controversée « loi anti-squat », le nouveau ministre délégué chargé du Logement ne laisse pas insensible. Sa nomination est perçue comme une provocation pour les acteurs de l’aide au logement et de la gauche face à une crise majeure.
Guillaume Kasbarian, nouveau ministre déléguée chargé du Logement, dans le jardin des Quatre colonnes du palais Bourbon, en 2017. © Jean-Luc Hauser/Wikicommons
« Un signal désastreux », « une véritable gifle pour le secteur du logement », « c’est très très inquiétant ». Les réactions d’associations d’aide au logement fusent depuis la nomination, jeudi 8 février, de Guillaume Kasbarian en tant que ministre délégué au Logement. Succédant à Patrice Vergriete, le député Renaissance d’Eure-et-Loir, engagé en politique depuis 2016, s’est notamment fait connaître avec la loi rebaptisée « loi anti-squat », adoptée en juillet 2023.
Ce texte, visant à mieux réprimer le squat des logements, a été vivement critiquée. Pour la gauche et de nombreux acteurs de lutte contre le mal-logement, cette loi est une façon de « criminaliser la pauvreté », car elle augmente les sanctions envers les squatteurs et elle « accélère les procédures d’expulsion de locataires se maintenant dans le logement après un jugement d’expulsion », selon Jean-Baptiste Eyraud, président de l’association historique du Droit au logement (DAL) contacté par Cuej.info.
Ce dernier ne décolère pas : « Guillaume Kasbarian a un côté brutal, qui s’est exprimé dans sa loi. Elle envoie notamment en prison des sans-abri qui squattent un logement vide, pas un logement occupé ou une résidence secondaire ! Tout ça dans un contexte où on a jamais eu autant de sans-abri, ni autant de logements vacants. Il y a une contradiction énorme. »
4,16 millions de Français subissent le mal-logement
Dans son rapport annuel, la Fondation Abbé-Pierre alerte sur une politique du logement basée sur la rigueur budgétaire, tandis que près de 4,16 millions de personnes en France subissent le mal-logement et que 330 000 personnes n’ont pas de domicile fixe.
Christophe Robert, délégué général de cette fondation, a confié à l’AFP « espérer qu’il sera plus attentif aux souffrances des mal-logés et aux difficultés que connaissent nos concitoyens en matière de mal-logement qu’il ne l’a été au moment où il a porté une loi qui a fait beaucoup de dégâts ». Pour le président de la Confédération nationale du logement, Eddie Jacquemart, invité sur France Info ce 8 février, « c’est un ministre qui a passé une loi qui confond les mal-logés et les squatteurs ».
Une crainte de durcissement de la loi
Sa proximité avec le monde de la « grande finance » interroge par ailleurs le directeur du DAL. Et notamment son poste de conseiller en stratégie financière dans un groupe de conseil financier, Monitor Deloitte : « Pour nous, M. Kasbarian représente ce milieu-là. »
« Entre la crise immobilière et la crise du logement, avec cette nomination, le gouvernement a fait le choix de soutenir les milieux immobiliers qui n’ont jamais gagné autant d’argent ces vingt dernières années, critique-t-il. Alors que plus de 2,6 millions de personnes sont en attente d’un logement social. »
Le contexte politique, et notamment ses alliances avec Les Républicains ou l’extrême droite qui lui ont permis de voter la loi anti-squat, fait aussi craindre un durcissement des prochaines propositions de loi sur le logement, qui ne seront pas du « côté des locataires et des mal-logés mais du côté de la rente locative », selon Jean-Baptiste Eyraud.
En réaction à cette nomination, ce dernier appelle tous les « locataires, les mal-logés, les sans-abri et tous ceux qui les défendent » à s’unir et à descendre dans la rue après la fin de la trêve hivernale, synonyme de retour des expulsions. Un simple souhait pour « un moment symbolique ».
Alexia Lamblé
Édité par Milan Derrien