La 73e édition de la Berlinale ouvre ses portes jeudi 16 février et affiche un ferme soutien à l’Ukraine. Cet engagement politique n’a rien d’inhabituel pour ce grand rendez-vous allemand.
Cette année, l’institution a décidé de mettre l’Ukraine à l’honneur. © CC / IgorCalzone1
La course aux « Ours » est lancée. Jusqu’au 26 février 2023 se tient la 73ème édition de la Berlinale. Cette année encore, ce Festival de Cannes à l’allemande se montre politiquement engagé.
Un tournage rattrapé par la réalité. Alors que l’acteur et réalisateur américain Sean Penn se trouve en Ukraine en février 2022 pour réaliser un documentaire, l’invasion russe démarre. Un an après, le fervent défenseur de la cause ukrainienne signe Superpower, un témoignage unique du début de la guerre en Ukraine, au plus proche de son président, Volodymyr Zelensky. Le film co-réalisé par Aaron Kaufman s’apprête à être présenté en avant-première à la Berlinale, qui ouvre ses portes le 16 février 2023.
Le choix est loin d’être anodin. Cette année, l’institution a décidé de mettre l’Ukraine à l’honneur. Outre Superpower, huit autres films, principalement des documentaires, thématisent l’invasion russe et la vie des ukrainiens en temps de guerre. Par ailleurs, un programme d’aide de financements du marché audiovisuel du pays et des accréditations gratuites pour les réalisateurs ukrainiens sont prévus.
Un festival de cinéma politique
La Berlinale a toujours été imprégnée d’un certain engagement politique, et ce dès sa création en 1951. L’Allemagne est encore en reconstruction après la Seconde Guerre Mondiale, mais Berlin se trouve déjà au cœur d’un autre conflit : la Guerre Froide.
« Cette année, plus que jamais, faire partie de la Berlinale signifie soutenir ceux qui se battent pour exprimer leurs idées, et ceux qui refusent de se soumettre à une version conformiste de la réalité qui dicte ce qui peut et doit être dit »
- Carlo Chatrian, codirecteur du festival, le mois dernier.
A l’origine du festival, les dirigeants de la zone d’occupation américaine pensent ce qui allait devenir un événement incontournable du 7ème art, comme une « vitrine du monde libre ». Côté RDA (République Démocratique Allemande), la Berlinale est perçue comme une déclaration de guerre. Le gouvernement est-allemand, de son côté, annonce alors la tenue d’un « festival démocratique-populaire du film », moins d’un mois après la première édition de l’institution berlinoise. Peu de personnes se souviennent aujourd’hui de ce festival éphémère, qui n’a jamais réussi à trouver son public.
La Berlinale interrompue
En 1970, en pleine Guerre du Vietnam, c’est au tour du film anti-guerre O.K. d’ébranler le festival. La mise en scène du viol et du meurtre d’une jeune fille vietnamienne par des soldats américains dans le film de Michael Verhoeven déplaît fortement à George Stevens, membre américain du comité de sélection. Altercations et disputes s’ensuivent. Le jury est dissout. Pour la première fois de son histoire, la Berlinale est annulée. Certains historiens du cinéma considèrent que cet événement aurait contribué au départ en 1976 du premier directeur du festival, Alfred Bauer, dont le passé douteux était déjà interrogé.
A la tête de la Berlinale pendant 25 ans, ce juriste et historien du cinéma de formation a longtemps été un grand nom du secteur. Et pourtant en 2020, alors que le festival s’apprêtait à fêter sa 70ème édition, l’hebdomadaire Die Zeit révèle que Bauer aurait été largement plus impliqué dans l’industrie cinématographique nazie, que ce qu’il prétendait. Il aurait, en effet, occupé un poste à haute responsabilité au sein de l’organisme de propagande mis en place par Goebbels.
Dès le lendemain des révélations, les organisateurs de la Berlinale décident de retirer le « Prix Alfred Bauer », une des plus prestigieuses récompenses jusque-là. Il est remplacé par le « Prix du jury de l’Ours d’argent » à partir de l’édition 2021. La même année, un prix d’interprétation non-genré vient se substituer aux trophées de « meilleur acteur » et « meilleure actrice ». Au-delà des événements géopolitiques, la Berlinale s’empare également des questions de genre qui préoccupent le monde.
Christina Genet
Edité par Corentin Chabot-Agnesina