En 2013, plus d'un quart des vins alsaciens ont été vendus à l'étranger. Aujourd'hui, le marché chinois est en pleine expansion. Mais avec l'export massif, certains professionnels redoutent un formatage des vins.
Avec 8,76 millions de bouteilles en 2013, la Belgique représente 23,7 % des exportations de vins d'Alsace. (Cuej/Marion BASTIT)
Edelswicker, Riesling ou Gewurtzstraminer, les vins d'Alsace ont de plus en plus la cote à l'étranger. En un an, les exportations ont augmenté de près de 5 %. Aujourd'hui, plus d'un quart de la production régionale est vendue à l'étranger. En 2013, l'export représentait 531 millions d'euros de chiffre d'affaires.
Parmi les amateurs de vins alsaciens, la Belgique arrive largement en tête, suivie par l'Allemagne et les Pays-Bas. Le reste de la production s'envole vers la Scandinavie, l'Amérique du Nord ou encore le Japon.
Aujourd'hui, le marché asiatique est en pleine expansion. Avec plus d'un milliard de consommateurs potentiels, le Conseil interprofessionnel des vins d'Alsace mise désormais sur la Chine. Depuis quelques années, il mène une campagne publicitaire pour faire connaître le Gewurtzstraminer aux consommateurs chinois.
Fondue chinoise et Gewurtzstraminer
"C'est un vin qui a des notes exotiques, fruitées, qui se marient bien avec les plats épicés de la cuisine chinoise", explique Christophe, responsable de l'export au domaine Mersiol. Avec son frère Stéphane, il cultive douze hectares de vignes à Dambach-la-ville.
En 2012, Christophe Mersiol est parti à la rencontre des acheteurs chinois à Hong Kong, Shanghaï et Chengdu. Avec plusieurs vignerons alsaciens, la Chambre de commerce et d'industrie a organisé une tournée de dégustations. Les résultats ne se sont pas fait attendre : l'année dernière, Christophe a reçu sa première commande d'Edelswicker de la part d'un gros importateur chinois.
Des blancs pour tous les goûts
"Aujourd'hui, le marché chinois, c'est 80 % de vin rouge, estime le vigneron. Il y a un créneau à prendre avec les vins blancs. L'avantage des vins d'Alsace, c'est qu'on arrive à correspondre à des goûts très différents les uns des autres : plus sec pour le Riesling, plus rond et fruité pour le Gewurtzstraminer."
Mais cette variété de cépages sème la confusion dans l'esprit des clients étrangers. "L'Alsace a un problème d'image, dans le sens où le consommateur ne sait pas si son vin est sec ou fruité", explique-t-il.
Fruité pour le Gewurtzstraminer, plus sec pour le Riesling, il y en a pour tous les goûts en Alsace. (Cuej/Marion BASTIT)
Une perte d'identité ?
Pour Jean Walch, caviste indépendant à Strasbourg, l'export massif vers les pays émergents tire la qualité vers le bas. "Les producteurs de vin dépensent plus d'argent pour le marketing que pour le produit qui est dans la bouteille, déplore-t-il. On vend une étiquette, une région, un cliché, mais on ne vend absolument pas du qualitatif."
Il dénonce la fabrication industrielle de vins calibrés en fonction des goûts des consommateurs ciblés. "S'ils aiment les vins boisés, on va faire du vin boisé; s'ils aiment le sucre, on va faire du vin avec des sucres résiduels...On ne vend pas une identité de terroir, on vend un produit totalement adapté au marché auquel on s'adresse."
Pour lui, le succès des blancs alsaciens à l'étranger tient surtout à leur faible coût. "Le prix est devenu le nerf de la guerre dans la grande masse des vins qui sont vendus sur le marché, déplore-t-il. Si l'Alsace réussit aussi bien, ce n'est pas à cause de la qualité, c'est parce que ce n'est pas cher."
Marion Bastit