15 mars 2024
Après un processus législatif de deux années, le Parlement européen a trouvé un compromis pour la révision de la directive sur les émissions industrielles (DEI). Le champ d’application de la DEI s’étendra à de nouvelles industries et de nouvelles contraintes environnementales entreront en vigueur.
« Nous sommes soulagés que la révision de la directive sur les émissions industrielles soit finalement approuvée. Le processus a été long, il a commencé en avril 2022 et nous sommes en mars 2024 », s’exclame Marco Contiero, chargé de la politique agricole chez GreenPeace Europe.
Le 12 mars, les eurodéputés se sont finalement mis d’accord sur une actualisation de la directive de 2010, qui vient réguler davantage les activités industrielles. Elle augmente les contraintes environnementales sur les grandes entreprises et les étend à de nouveaux domaines, dont l’extraction et l’élevage.
L’objectif : pousser les industriels à réduire leur pollution dans l’eau, l’air et le sol. Pour cela, elles devront conformer leurs moyens de production à la meilleure technique disponible (MTD), c'est-à-dire la plus vertueuse pour l'environnement. Il reviendra à chaque État membre de déterminer ces MTD.
Pour l’extraction des minerais par exemple, certains produits chimiques moins nocifs pour l'environnement et la santé seront privilégiés. « Mais on ne peut pas avoir un processus d’extraction unique, soupire le directeur général de l’association européenne des industries minérales, Roger Doome, « chaque terrain est différent, on ne peut pas s’y prendre de la même manière dans les Alpes et en Bretagne ! ». Il salue cependant le peu d’impact sur le secteur minier de cette révision : « nous sommes soulagés car seule l’extraction de métaux précieux, comme l’or, est finalement incluse dans la DEI ». Les autres minerais comme le sable ou le gravier ne sont pas concernés, alors même qu’ils représentent l’immense majorité des mines européennes.
« 54% des émissions de méthanes viennent de l’élevage »
Initialement, la Commission européenne souhaitait étendre la DEI à l’intégralité des exploitations minières mais aussi à l’ensemble des élevages industriels. Ça n'a pas été le cas. « L’ensemble des grandes exploitations étaient concernées au début, mais au cours du processus parlementaire, on a supprimé les élevages bovins », regrette l’eurodéputé allemande Jutta Paulus, (Les Verts). L’élevage est pourtant responsable de 54% des émissions de méthane de l’UE selon GreenPeace Europe..
Les ambitions initiales de la Commission européenne ont donc été revues à la baisse, mais ces nouvelles normes ne sont toujours pas au goût de tous. Si l’association européenne des industries minérales se dit « mitigée mais globalement satisfaite », les éleveurs européens eux, grincent des dents.
La clause de réciprocité inclut initialement dans la proposition de la Commission, a été évincée de la nouvelle directive. Elle devait prévenir de la concurrence déloyale des importations agricoles hors-UE, qui ne sont pas soumises aux mêmes normes environnementales. En pleine crise, les éleveurs français vivent ces nouvelles contraintes comme un coup de massue. Une manifestation au moment du vote s’est d’ailleurs tenue devant le bâtiment du Parlement européen. « Ils insèrent l’agriculture familiale à côté des chimistes, des cimentiers ! » s’insurge Maxime Lux, jeune éleveur de porcs à Schnersheim.
« On impose aux petits élevages des réglementations très lourdes »
Au cœur de l’indignation des agriculteurs, l’abaissement du nombre de têtes de bétail nécessaires pour être classé élevage industriel à l’échelle européenne. Jusqu’à présent la directive ne concernait que les exploitations de 40 000 volailles et de 2000 porcs. La nouvelle norme inclut les fermes de 1160 porcs et 20 000 poules pondeuses. « On va imposer aux petits élevages des réglementations très lourdes et coûteuses » s'insurge Christine Lambert, présidente du syndicat agricole européen COPA-CEGECA. “Cette directive est faite pour les grandes industries qui peuvent gérer tout cet administratif ».
En plus de ces nouvelles règles, les industriels et les éleveurs devront également publier leurs niveaux de pollution sur un portail européen d’information en ligne. Il permettra aux citoyens européens de se renseigner facilement sur les émissions industrielles nocives qui les entourent.
En cas de grave infraction à ces normes, les entreprises contrevenantes pourraient écoper d’une pénalité d’au moins 3% de leur chiffre d’affaires annuel. Là encore, les ambitions de la Commission européenne ont été revues à la baisse. Elle demandait des amendes d’un montant minimum de 5% à 8% du CA des entreprises. Les États-Membres ont deux ans pour traduire ces nouvelles normes européennes en réglementation intérieure. « Mais ça va aller, les industriels ont jusqu'à 2030 pour adapter leur modèle de production aux nouvelles exigences environnementales, sourit l’eurodéputé Jutta Paulus, ils ont du temps ! ».
Angellina Thieblemont
Heïdi Soupault