Jean-Georges Trouillet, président d’un mouvement autonomiste alsacien, voudrait profiter des annonces faites par Emmanuel Macron, jeudi, à propos de l’« autonomie » de la Corse.
Jean-Georges Trouillet (au centre) avec le président de l'Assemblée Corse Gilles Siméoni. Photo fournie par l'intéressé
Alors que le président de la République a proposé, jeudi, une « autonomie » de la Corse, la Bretagne a immédiatement demandé « la même chose ». En Alsace, Jean-Georges Trouillet, président et fondateur du parti Unser Land (Notre Pays), est un des représentants de ce mouvement autonomiste. Il est aussi vice-président du regroupement de partis régionalistes « Régions et Peuples Solidaires ». Entretien.
Comment accueillez-vous les annonces du président de la République ?
C’est inédit d’entendre le président de la République parler d’autonomie et proposer des annonces concrètes. D’un autre côté, cela reste un concept. Les Corses ont des revendications effectives et Emmanuel Macron n’a donné aucun élément clair. Mais ça reste un symbole. Et les symboles sont importants.
Quel espoir cela vous donne pour l’Alsace ?
Les Corses ont su créer un réel rapport de force. En Alsace, on veut sortir de la région Grand Est et avoir un statut particulier depuis dix ans. Beaucoup de gens sont sur la même longueur d’onde. Il y a eu une résolution de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) et trois propositions de loi à l’Assemblée nationale. On a quasiment fait tout ce qu’on pouvait. Mais il faut que les élus alsaciens arrivent à appeler un chat, un chat. En Bretagne, le mot est assumé, pas ici. Je propose que Frédéric Bierry, le président de la CEA, invite Emmanuel Macron devant la collectivité, comme cela a été fait en Corse. Il faut savoir se faire entendre.
Justement, quelles sont ces demandes concrètes que vous portez ?
On demande la sortie de la région Grand Est. Mais aussi que la CEA récupère les compétences régionales et ait le pouvoir législatif et réglementaire, en s’appuyant sur le droit local. Il s’agit de traiter de questions locales, pas de la monnaie ou des affaires étrangères. Notamment pérenniser la langue allemande, y compris le dialecte alsacien. On demande la co-officialité des langues en Alsace et un enseignement régionalisé.
Quel est l’intérêt pour vous de faire partie d’une fédération de partis et d’échanger avec les autres partis régionalistes ?
On partage des problématiques communes. On n’est pas contre la France, on est pour une France où les territoires pourraient gérer leurs affaires locales : la politique, les affaires économiques, sociales et culturelles. Il faut pouvoir mieux associer les citoyens à la prise de décision. On veut montrer ensemble qu’il y a une autre voie que celle du centralisme parisien.
Comment envisagez-vous la suite pour la Corse et les autres régions ?
Difficile de faire un pronostic. Il faut qu’il y ait un accord et que la révision constitutionnelle aille jusqu’au bout. Mais depuis dix ans, les mouvements régionalistes progressent. Cette avancée peut être accélérée ou retardée mais elle est inéluctable. C’est le vent de l’histoire.
La volonté de s’émanciper de la région Grand Est est réelle en Alsace, promue notamment par la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), présidée par Frédéric Bierry. Cette institution atypique dans la République regroupe les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, exerce les compétences départementales et dispose d’autres prérogatives spécifiques comme la promotion du bilinguisme franco-allemand. Pour autant, face aux lecteurs de l’Alsace en février, Frédéric Bierry affirmait : « le terme d’autonomie n’est pas approprié ». La faute à l’histoire du mouvement autonomiste ? Né lors de l’annexion par l’Allemagne en 1871, il est remis en cause quand ses membres collaborent avec les nazis sous l’Occupation. Il faut ensuite attendre les années 1970 pour que les mouvements alors dits « régionalistes » renaissent en France. Avant tout aujourd’hui, la priorité est de revenir sur le regroupement des régions, avant même d’envisager une réelle autonomie.
Clara Grouzis
Édité par Pauline Beignon