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Pour sa soirée d’ouverture, le festival Opération Quartiers Populaires a choisi de laisser la place aux femmes avec Royaume, un spectacle de danse mêlant avec brio réflexions sur le sexisme et sensibilité artistique.

« Pourquoi toutes les femmes de mon entourage ont déjà été victime soit d’une agression verbale, soit d’une agression physique ? » Elsa, une des six danseuses de la compagnie Hors série, fixe le public, l’interpelle. Entre danse hip-hop, enregistrements de discours de Simone Veil et témoignages des danseuses, le spectacle Royaume, chorégraphié et mis en scène par Hamid Ben Mahi, relate pendant deux heures les injustices faites aux femmes. Chaque danseuse vient à son tour raconter son histoire, celle de sa mère, de sa grand-mère. Si les premières prises de paroles permettent de découvrir les six femmes, d’où elles viennent, ce qu’elles aiment ou pas, la violence s'immisce subtilement dans leurs récits. Alors que le public rit quand l’une des danseuses raconte l'insistance avec laquelle on lui demande “c’est pour quand les enfants ?”, il reste silencieux quand l’une des autres artistes évoque le viol de sa mère. Six femmes de six horizons différents et pourtant toutes ont été victimes de violences sexistes ou sexuelles. Une universalité que Royaume met en scène brillamment. 

Une sororité euphorisante

S’il y a bien un mot pour décrire l’alchimie entre les six danseuses, c’est celui de la complicité. Céline Lefèvre, Elsa Morineaux, Sandrine Monar, Sara Ben Herri, Viola Chiarini et Yvonnette Vela Lopez évoluent sur scène dans l’écoute des mouvements des unes et des autres. Dans leurs pas de danse, elles sont souvent autonomes, elles possèdent leur propre existence avec leur histoire personnelle face aux violences sexistes. Leur sororité se tisse au fil des regards, des sourires échangés et de leur écoute mutuelle. Elles ne forment pas seulement un groupe de six, chacune entre individuellement en relation avec une autre danseuse à un moment du spectacle, décuplant ainsi l’énergie du groupe. Les mouvements amples et leur excellente technique leur offrent une liberté dans l’interprétation et rendent le spectacle d’autant plus beau.

Résonances des injustices

La force de la mise en scène et de la chorégraphie de Hamid Ben Mahi réside dans sa réussite à faire retentir ces récits. Les grains de sable déversés depuis le plafond de la scène constituent l’un des principaux éléments de décor du spectacle. Ces milliers de grains, sur lesquels les artistes dansent, incarnent l’ensemble de ces vies touchées par les inégalités de genre. Le caractère universel s’impose au public. Ce motif de la résonance s’apprécie dans les musiques composées par Manuel Wandji dont la présence des basses est très justement dosée. Reproduisant parfois un rythme semblable aux battements d’un cœur, l’émotion se transmet au public dans une même vibration. La musique, les mouvements des danseuses, happent dans un crescendo de sensations. Le retour à la dure réalité des violences, des agressions est d’autant plus percutant lors des témoignages où chaque danseuse se retrouve seule face au public, sans ornements musicaux. Juste sa voix. Le silence. Des danses euphoriques aux souvenirs douloureux, il n’y a qu’un pas. Une ambivalence bouleversante. 

Écrit par Marine Fersing

Édité par Jade Lacroix