Une ex-employée détenue à la prison de Versailles comparait ce mardi devant les Prud'hommes de Paris. Licenciée en avril 2011, elle réclame ce mardi des arriérés de salaire.
L'affaire aurait pu passer inaperçue au milieu des nombreux dossiers qui encombrent les prud'hommes. Une télé-opératrice "déclassée" par son employeur pour avoir passé des appels personnels sur son temps de travail, comparait ce mardi devant le Conseil des Prud'hommes de Paris. À priori banale, l'histoire a la particularité de se passer en prison. L'employée de 36 ans est en effet détenue au centre pénitentiaire de Versailles dans les Yvelines.
Depuis août 2010, elle travaillait pour la MKT Societal, un centre d'appel implanté dans le centre de détention. Elle avait signé un "contrat d'engagement" avec l'entreprise, le contrat de travail n'ayant pas cours pour les personnes incarcérées selon le code de procédure pénale. "Déclassée" en avril 2011, l'équivalent du licenciement pour les contrats d'engagement, la jeune femme décide de porter l'affaire devant la justice. Son avocat, maître Fabrice Arakélian conteste un "licenciement abusif" et demande des dommages et intérêts.
"Avec la bénédiction de l'État"
Et il ne s'arrête pas là. L'avocat réclame 2357 euros d'arriérés de salaires et dénonce un travail dissimulé. "La question sous-jacente, c'est la question du statut du détenu travailleur, qui est exploité sous couvert de réinsertion avec la bénédiction de l'État", accuse l'avocat, "son contrat prévoyait un salaire minimum de 4 à 6 euros de l'heure. Or le compte n'y est pas: elle touchait aux alentours de 2 euros par heure." La responsable de MKT Societal, Laure Geradon de Vera, a affirmé que la détenue "n'était en aucun cas salariée de MKT Societal car elle était salariée de l'Administration pénitentiaire".
La société déjà épinglée
Lieu de privation des libertés, la prison n'est pas pour autant censée ignorer le code du travail, quand bien même celui-ci n'y est pas en vigueur. La loi pénitentiaire de 2009 encadre notamment le droit du travail qui concerne les 24 000 détenus qui exercent un emploi au cours de leur incarcération. Ainsi, elle prévoit une fourchette de salaires allant de 20% à 45% du Smic horaire brut. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées.
La société MKT avait déjà été épinglée en 2010 par un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté pour non respect de la loi pénitentiaire en matière de salaire. Il soulignait en effet que les salaires horaires versés par MKT Societal sur son site de la prison de Versailles "varient entre 1,67 euro et 2,18 euros, ce qui ne correspond en rien ni aux taux horaires affichés", selon les qualifications des personnes détenues.
Marion Kremp