Forte de son économie et de son industrie florissantes, l’Alsace se distingue de la Lorraine et de la Champagne-Ardenne, ses voisines dans la région Acal. Bastion historique de la droite, la région affiche également un fort attachement à son identité. Ces paramètres illustrent les contrastes entre les territoires de la future grande région.
À deux mois des élections régionales, le choix des Alsaciens semble acté. Contrairement à la Champagne-Ardenne et la Lorraine, dont les présidents de région sont socialistes, le Haut-Rhin et le Bas-Rhin ont, depuis l’après-guerre, choisi leur couleur : le bleu. En 2012, Nicolas Sarkozy (UMP) et François Bayrou (MoDem) ont réalisé d’excellents scores, plusieurs points au-dessus de la moyenne nationale et des autres territoires de l’Acal.
Résultats cumulés de François Bayrou et Nicolas Sarkozy (en %)
« Il y a un déficit de la gauche dans la région, explique Philippe Breton, politologue. Après la guerre, le PCF était dominant en France. En Alsace, la façon dont les prisonniers ont été traités par les soldats russes a entraîné un fort anticommunisme et la gauche a été plombée. » Dans la région, la droite a pris toute la place sur l’échiquier politique et occupe le terrain jusqu’au centre.
Le rôle fort de l’Église peut également expliquer l’esprit anticommuniste qui y perdure. Richard Kleinschmager, lui aussi politologue, fait remonter l’ancrage de l’Alsace à droite au Second Empire. « L’Alsace était une terre protestante, où la religiosité a participé à la protection de l'activité régionale, souligne-t-il. Ensuite, l’Église catholique a également joué un rôle important, avec une orientation plutôt conservatrice. » Autre facteur, « la symbolique très forte de la Libération de l'Alsace et le rôle de De Gaulle, qui s'était fixé l'objectif de libérer Strasbourg, ajoute Philippe Breton. Il a incarné un patriotisme fort. »
Résultat, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, la région se caractérise par un affrontement entre le centre et la droite. « Seules Strasbourg et Mulhouse sont des fiefs de gauche, bien que Mulhouse ne le soit plus aujourd’hui », note Richard Kleinschmager. L’Alsace constitue aussi un des derniers bastions français du mouvement centriste. Pour preuve, Adrien Zeller, président du conseil régional de 1996 à 2009, était un ancien membre de l’UDF (Union pour la démocratie française). L’actuel président, Philippe Richert, se revendique lui aussi de ce mouvement et mènera une liste d’union de la droite et du centre (Les Républicains et UDI) aux prochaines élections régionales, les 6 et 13 décembre.
Un pôle industriel et universitaire attractif
L’Alsace est aujourd’hui une région dynamique, attractive, riche et densément peuplée, grâce à une industrie en bonne santé et à forte valeur ajoutée, comme l’agro-alimentaire et le secteur pharmaceutique. Fin 2007, l’industrie embauchait 144 800 salariés, soit 21,5 % de l'emploi total régional (deuxième rang des régions françaises), selon l’Insee. Le taux de chômage y est plus faible qu’en Lorraine et qu’en Champagne-Ardenne. Ces deux territoires ont subi d’importants bouleversements économiques au milieu des années 1970 et peinent à se reconstruire pleinement.
Taux de chômage (en %)
Pourtant, comme dans le reste de l’Hexagone, le taux de chômage a sensiblement augmenté en Alsace ces dernières années. Pour Emmanuel Percq, délégué régional de l’Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep), cette hausse a provoqué chez les jeunes un besoin de poursuivre leurs études : « En 2005, quand il n'y avait que 5% de chômeurs, l’idée dominante était : pourquoi faire des études ? Mais avec la crise de 2008 et la hausse du taux de chômage, les jeunes se sont mis à poursuivre leur cursus et l’Alsace a rattrapé les autres régions. Faible en bacheliers à l’origine, elle est désormais au même niveau que ses voisines. »
L’académie de Strasbourg a vu grossir ses effectifs dans l’enseignement supérieur. L’Alsace attire ainsi de nombreux néo-bacheliers de Franche-Comté et de Lorraine, séduits par le large panel de formations proposées par la région. Selon une étude réalisée par l’Insee, ils seraient chaque année plusieurs milliers à poursuivre leur parcours universitaire. Les étudiants étrangers représentent quant à eux environ 20% des élèves de l’académie, venus majoritairement du Maroc, d’Allemagne et de Chine, d’après les chiffres fournis par l’université de Strasbourg en 2010.
Taux de diplômés post-bac (en %)
« Les flux migratoires sont positifs. Cette année, par exemple, pour huit élèves de terminale en Alsace qui ont fait une demande de poursuite d’études hors de la région, quinze ont exprimé le souhait de rejoindre l’académie de Strasbourg », ajoute Emmanuel Percq. Enfin, la proximité avec l’Allemagne participe également au pouvoir de séduction de la faculté. « L’attractivité en termes d’emploi est réelle et connue, surtout pour ce qui est des formations technologiques », conclut le délégué régional de l’Onisep.
7 400 logements ordinaires construits en 2014
Avec ses nouveaux étudiants et une économie moins morose que dans le reste de l’Acal, l’Alsace attire aussi les travailleurs et leurs familles et voit sa population augmenter sur les dernières années.
Evolution de la population (en %)
Les chiffres des constructions dans la région publiés par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) sur son site internet confirme ce constat : « En Alsace, 7 400 logements ordinaires ont été mis en chantier au cours de l’année 2014. Dans le Bas-Rhin, les mises en chantier sont en augmentation de 14% par rapport à 2013. » Une situation qui contraste avec celle de ses voisines : sur la même période, la Champagne-Ardenne voit son nombre de mises en chantier chuter de 20%, contre 18% en Lorraine.
Hélène Capdeviole, Loup Espargilière, Antoine Magallon, Nina Moreno, Aurélie Sipos et Antoine Terrel