24 décembre 2007
Politiquement, l’Union européenne est au point mort. Et il ne faut pas compter sur la France pour relancer le débat constitutionnel. Depuis le 29 mai 2005 et jusqu’en juin 2007, Paris est aux abonnés absents pour cause de “non” et d’élections intérieures. C’est pourtant à la France, qui prendra la présidence de l’Union en juillet 2008, qu’il incombera de trouver un compromis sur la réforme institutionnelle. Ainsi en a décidé le Conseil européen en juin 2006. Pendant six mois, Paris mènera les négociations avec une obligation politique de résultat. S’en donne-t-elle les moyens ? Fin 2004, soucieux du déficit d’information des Français sur l’Union, Jean-Pierre Raffarin avait commandé un rapport au député Michel Herbillon. Après six mois d’enquête, le diagnostic de fracture remis à Dominique de Villepin au lendemain du référendum est sans ambiguité : « Pour l’homme de la rue « l’Europe, c’est loin », dans la mesure où les affaires européennes demeurent des affaires étrangères dans les esprits, dans les structures gouvernementales comme au Parlement et dans les médias.»
« Une simple réforme sémantique »
Le 17 octobre 2005, Matignon s’en inspire dans un décret qui veut améliorer la transparence du travail gouvernemental au sein de l’UE. Il revitalise le Conseil interministériel pour les questions de coopération économique européenne, rebaptisé “Comité interministériel sur l’Europe” (CIE). Sous la houlette du premier ministre, il réunit une fois par mois les ministres des Affaires étrangères, de l'Economie, et des Affaires européennes, ainsi que ceux «concernés par l’ordre du jour». Une composition qui date à peu près de sa création en... 1948. Son secrétariat général, qui, depuis plus d’un demi-siècle, coordonne au niveau administratif les positions françaises sur chaque dossier examiné par le Conseil de l’Union, devient le Secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE). « C'est une simple réforme sémantique qui ne fait que perpétuer une structure inadaptée », se désole Jean-Luc Sauron, haut fonctionnaire et ancien conseiller juridique du SGCI, l’ancêtre du SGAE. Selon lui, l’existence même du CIE est « un aveu ». La politique européenne devrait figurer à l’ordre du jour du conseil des ministres, chaque mercredi. L'Union encadre en effet près de 80% des compétences de ceux et celles qui y siègent: les affaires européennes sont des affaires internes.
Un ordre de bataille obsolète
SGAE et Représentation permanente à Bruxelles, chargée de mener les négociations au jour le jour : la « gouvernance européenne » de la France repose pour l’essentiel sur ces deux bastions administratifs, terrains de manoeuvre des grands corps de l’Etat, connus des seuls initiés. Conçue à une époque révolue pour faire triompher à la hussarde les intérêts de la République dans la Communauté, à l’heure du Conseil tout puissant, du veto roi et de la domination française, la superbe machine de guerre affiche de beaux restes. Mais les deux séismes causés par l'Acte unique de 1986 puis la chute du Mur en 1989, ont disloqué sa raison d’être et exposé l'anachronisme dangereux de son monopole. En multipliant, pour construire le marché intérieur à marche forcée, les domaines de vote à majorité qualifiée, et en transférant parallèlement un pouvoir législatif croissant au Parlement européen, l’Acte Unique a rendu obsolète son ordre de bataille. L'effondrement du mur de Berlin, redessinant les frontières du continent jusqu’aux confins de l’Asie centrale, a fait déferler sur elle une mondialisation qui remise son rêve d’Europe tricolore au magasin des archives. Qu’importe ! Sur un terrain de jeu récemment élargi, la France s’essaie à une tactique périlleuse: jouer avec de nouvelles règles sans changer la composition de son équipe. Quitte à risquer les cartons rouges.