12 mars 2014
Le Parlement européen a voté le projet de refonte du règlement proposé par la Commission, visant à mettre en place un ciel unique européen. Mais les résistances des Etats membres, et plus particulièrement de la France, pourraient reporter aux calendes grecques la mise en place effective du projet.
Elle a beau sembler faire consensus, l'idée d'un ciel unique, un serpent de mer depuis 1999, patine. La faute selon le rapporteur parlementaire Marinescu (PPE), qui soutenait le projet, à des « résultats obtenus torpillés par l'absence de volonté et d'engagement des décideurs de nombreux Etats membres ». Et le dernier vote ne devrait pas le satisfaire.
L'objectif de la refonte du règlement votée au Parlement est d'ouvrir certains services dits de support (comme la maintenance, la surveillance ou le service météo) à la concurrence. Le contrôle arien se divise en effet en deux branches : les services fonctionnels, dans une situation de monopole de fait, et les services de support qui permettent aux premiers de fonctionner. Or ces services sont payés par les compagnies aériennes, et impactent donc le prix des billets.
Le rapport parlementaire, dont le but est de faire baisser les coûts globaux, s'est fondé sur une étude estimant le prix du contrôle aérien au double de celui des USA pour un ciel de taille similaire.
Une étude que conteste les syndicats : « C'est un rapport à charge, l'étude a été demandée par l'Association internationale du transport aérien, nos clients ! » tonne Roger Rousseau, secrétaire général du Syndicat National des Contrôleurs du Trafic Aérien (SNCTA). « Un contre-rapport fait par un opérateur allemand de contrôle aérien montre que sur le prix du billet la part de l'opérateur est moins chère en Europe, du fait de financements différents » .
En plus de cette contestation, une bataille d'amendements remportée par les sociaux-démocrates a changé le sens du texte adopté par Strasbourg contre son rapporteur. D'obligatoire, cette mise en concurrence devient volontaire. Et pas sûr que les prestataires de services de chaque Etat membres décident de s'implanter dans différents pays : « Dans les faits, chacun reste chez soi, se retranche derrière son marché qu'il maîtrise. Ca a été pareil avec l'ouverture des vols intérieurs aux compagnies européennes. » explique Roger Rousseau.
« Nous devons insister sur les intérêts des passagers et non des fonctionnaires ou des administrations »
Le dispositif français est particulièrement inadapté au modèle prôné par la Commission. Le contrôle aérien fait partie de la fonction publique. Or, au sein de la Direction Générale de l'Aviation Civile, on retrouve une autorité de surveillance et une direction des prestations de service (DSNA). Une administration, deux secteurs : un mélange des genres inacceptable pour la Commission. « On peut construire un ciel unique européen en gardant le modèle de la DGAC. Il a fait ses preuves. Le fait d'avoir une autorité de surveillance proche des prestataires de services a permis de reprendre plus vite que les autres pays lors de l'éruption du volcan islandais en 2010 » rétorque Eric Héraud, porte-parole de la DGAC.
Un front commun s'est même établi entre syndicats et administrations, « c'est du jamais vu ». Le sort des fonctionnaires est en effet au cœur de la préoccupation française. Et l'inquiétude est légitime au vu des déclarations du rapporteur Marinescu : « Nous devons insister sur les intérêts des passagers et non des fonctionnaires ou des administrations. »
L'aspect sécuritaire est mis en avant par la France pour bloquer une course aux économies qu'elle juge risquée : « On estime qu'un contrôleur aérien doit être fonctionnaire et avoir suivi le cursus national. » assure Eric Héraud.
« Le Conseil ne l'adoptera pas »
La fronde est suivie par plusieurs États membres comme l'Italie, le Portugal et l'Espagne. Actuellement, il est profitable pour chacun de faire passer les avions dans son ciel du fait de la redevance payée par les compagnies. Tant que l'harmonisation de ces redevances n'est pas au programme, le ciel unique aura du mal à voir le jour : « En l'état, le Conseil ne l'adoptera pas, on en est persuadés » assure Roger Rousseau. Une prédiction qui fait écho à la conclusion de la commissaire Reding « Il faut mettre le Conseil face à ses responsabilités pour qu'il fasse ce qu'il a à faire. »
Nicolas Skopinski