14 mars 2013
Les eurodéputés ont adopté, mercredi 13 mars, quatre mandats de négociation pour la réforme de la politique agricole commune. Lancement: le 11 avril. Objectif: boucler le dossier d'ici à juin
Plafonner les aides à 300 000 euros, définir clairement le statut d’agriculteur pour éviter que des aéroports ou des terrains de golfs ne puissent bénéficier de la politique agricole commune (PAC), diminuer les écarts de paiements entre bénéficiaires historiques et ressortissants des pays ayant adhéré après 2004, introduire des mesures de verdissement ou encore améliorer la transparence. Voilà, entre autres, les priorités des eurodéputés, arrêtées mercredi 13 mars au terme d'un vote marathon. Elles posent les bases des négociations futures avec le Conseil et la Commission pour la réforme de la PAC.
Les quelque 400 amendements soumis un à un à la plénière témoignent des intérêts en jeu. Lors du vote le Parlement a désavoué plusieurs compromis adoptés par sa commission de l'agriculture, qui mutipliaient les exceptions au respect des normes environnementales. Strasbourg a choisi de reprendre à son compte nombre de propositions de la Commission dont celle-ci s'était écartée. Les amendements déposés par le groupe des Verts, qui visaient à renforcer l’application de mesures écologiques ont néanmoins été rejetés. Supprimée également l'astuce qui aurait permis aux exploitants d'être subventionnés deux fois pour les mêmes mesures de verdissement.
La politique agricole représente 40 % du budget de l’UE. Pour la période 2014-2020 373 miliards d'euros sont prévus, soit près de 50 miliards de moins que le budget 2007-2013. Les acteurs du "trilogue" devront composer avec ce budget de rigueur dès le lancement des négociations, le 11 avril prochain: faire mieux avec moins.
Ces négociations s’organiseront autour de quatre domaines principaux : la répartition des aides directes, dont l’enjeu est de savoir qui reçoit quoi ; les aides au développement rural, porteuses de verdissement ; l’organisation commune de marché, accélérant la transition vers une PAC régulée par le marché ; le règlement horizontal, sur les dispositions financières.
«Un très bon mandat de négociation a été donné aux parlementaires européens, a commenté en marge du vote Luis Manuel Capoulas Santos (S&D, Espagne), rapporteur de l’un des quatre textes. Nous espérons maintenant trouver un accord avant le 30 juin prochain. »
Protéger les petits
Le Parlement soutient la proposition de la Commission de permettre aux Etats membres de transférer 15% des sommes consacrées aux subventions directes (80% de budget de la PAC), vers le second pilier.
Cette flexibilité vise à renforcer le soutien en milieu rural, où le niveau de vie des exploitants est généralement plus faible, a fait remarquer la députée Elisabeth Schroedter.
Mutualiser la gestion des risques
Le Parlement européen s’est prononcé en faveur de primes d’assurances reversées dans le cadre du second pilier de la PAC. Ces nouveaux instruments de gestion des risques devraient compenser les pertes économiques imprévisibles, en cas de problèmes climatiques par exemple ou encore de maladies animales. “l’argent pour la gestion des risques pourrait réduire celui pour le développement social des zones rurales au sein du second pilier”, s'est toutefois inquiété le député social-démocrate Dan Jorgensen.
Attirer les jeunes
Un paiement supplémentaire de l’ordre de 25% pour un maximum de 100 hectares devrait être accordé aux jeunes agriculteurs, d’après le vote du Parlement européen. En Roumanie, un tiers des agriculteurs a plus de 70 ans, d'après le député Rares-Lucian Niculescu. Les députés ont aussi adopté la proposition française d’une aide bonus pour les 50 premiers hectares.
Plafonner les aides
Le plafonnement des aides a été fixé à 300 000 € par exploitation, comme le proposait la Commission. Une limite insuffisante selon l'eurodéputé José Bové (Verts/ALDE) : « Ce plafonnement ne va concerner que 0,12 % des exploitations ! ». L'amendement des Verts/ALE pour le réduire à 100 000 euros a été balayé durant les votes, tandis que celui de Luis Manuel Capoulas Santos (S&D) pour un plafonnement à 200 000 € a été rejeté... à deux voix près ! (334 contre, 332 pour)
Reste à convaincre les États. « Un débat qui s’annonce ardu » selon Michel Dantin (PPE), certains pays étant fermement opposés à ce principe. C’est le cas de l’Allemagne ou de la Bulgarie, qui comptent beaucoup de grosses exploitations, issues de l’ère soviétique et reprises par de grands groupes.
Le système actuel, où 80% des subventions vont à 20% des producteurs, permet à des exploitations de recevoir plusieurs millions par an, des grandes sociétés agro-alimentaires à la reine d’Angleterre, en passant par Albert de Monaco.
Expulser les passagers clandestins
Ce sont les États membres qui définiront les agriculteurs « actifs », susceptibles de bénéficier des paiements directs. Pour les eurodéputés, certaines entités, telles que des entreprises de transports, immobilières, minières, sportives, touristiques, où l’activité agricole ne prédomine pas, devraient être explicitement exclues des bénéficiaires. Jusqu’à maintenant, des clubs de golf, des aéroports, des campings, et même une réserve naturelle en Écosse, avaient pu profiter des failles du système.
Accélérer la réduction des écarts au sein de l’UE
La réduction des inégalités d'aides entre États membres et nouveaux États de l'UE doit être plus rapide qu'envisagé par la Commission. Actuellement, un agriculteur néerlandais touche en moyenne 457€ alors qu'un agriculteur letton n'en perçoit que 94. A terme, aucun agriculteur ne devrait recevoir moins de 65% du financement moyen européen
Assouplir le « verdissement »
Le verdissement, ou « greening », consiste à subordonner 30 % des budgets nationaux pour les paiements directs au respect d'obligations écologiques: diversification des cultures, maintien de prairies et de pâturages permanents, création de 'surfaces d'intérêt écologique'. Le Parlement souhaite que son application soit flexible et graduelle
Rendre les aides transparentes
Pour le Parlement comme pour la Commission, les montants perçus par les bénéficaires de la PAC doivent être rendus publics .« C'est la base de la confiance pour les contribuables qui financent la PAC», a dit mardi le Commissaire Dacian Ciolos.
Garantir des minima décents
Les prix garantis doivent continuer à jouer un rôle des filets de sécurité pour les producteurs, même si les restrictions budgétaires impliquent qu'ils seront moins favorables qu'auparavant. Ils fonctionnent comme des seuils d'urgence en cas de crise. La libéralisation du lait et du sucre doit prendre son temps, et se voir dotée de moyens d'aider à la transition.
Soutenir les coalitions de producteurs
Face à la grande distribution ou à l'industrie le vote du Parlement confirme la volonté d'aider les producteurs à s'organiser pour négocier les prix. Pour Michel Dantin (PPE, France) les filières doivent prendre le relai des anciennes organisations de marché. Le but est d'aboutir à la création de nouvelles organisations entre les producteurs (horizontales) et entre les acteurs de chaque filière (verticales).
Renforcer la concurrence libre et non faussée
Autre point primordial: le renforcement et l’unification du droit à la concurrence dans le marché agricole unique. Selon Michel Dantin, celui-ci doit s'appliquer partout et de manière égale, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui où son application obéit à des principes communs d'ordre national.
Sécuriser la chaîne alimentaire
L'OCM unique doit conserver sa rigidité normative : elle garantit la qualité et la quantité des produits de consommation. Pour Michel Dantin: « malgré les récents scandales, l'UE reste le territoire avec les normes les plus strictes et le moins d'accidents sanitaires ».
Plafonnement des aides directes à 300 000 €:
L'intensité des bleus traduit celle du nombre d'exploitations par pays percevant plus de 300 000 € d'aides de la PAC.
Source: commission agriculture du Parlement européen.
Aurélien Lachaud, Marion Paquet, Jérémy Sahakian et Esteban Wendling