06 février 2013
"On ne peut pas se permettre de gâcher une génération." C’est ce qu’a affirmé mardi après mid le commissaire européen à l'emploi Làszlo Andor lors du débat sur le semestre européen, nouvel outil de coordination des politiques économiques. Le chômage des jeunes, qui atteint 22,8% dans l'Union européenne, est une des principales préoccupations du Parlement qui a débattu pendant plus de quatre heures. Mais si Marije Cornelissen (Verts/ALE) a reconnu “une très bonne concertation avec l’ensemble des partis sur cette priorité essentielle”, les avis divergent quant aux moyens de résoudre ce problème.
Côté PPE, deux solutions principales émergent. La première consiste à utiliser le fond social européen comme moyen de financement, propose la députée Elisabeth Morin-Chartier. La seconde, quant à elle, se focalise "sur des aides fiscales importantes pour soutenir les jeunes talents, surtout dans les petites et moyennes entreprises" ainsi "qu’une plus grande flexibilité dans le marché du travail" avance la Polonaise Joanna Skrzydlewska.
Pour les sociaux démocrates la reprise de l’emploi passera par la "garantie jeunesse". Le projet est déjà sur les rails. En décembre dernier, la Commission a inclus dans son "Paquet emploi jeunes" une proposition de recommandation aux Etats membres pour l’introduction d’une "Garantie pour la jeunesse". Celle-ci prévoit l’introduction de mesures d’aides à l’insertion professionnelle ainsi que des compléments de formation ou d’apprentissage aux jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans et dans un délai de 4 mois après la fin de leur formation ou leur inscription au chômage. Une idée qui nécessite un financement " à la hauteur du projet", affirme la députée Pervenche Bérès (S&D), ce qui fait grincer des dents dans les rangs du PPE.
Cette proposition sera soumise à l'avis du conseil des ministres de l’emploi à la fin du mois, avant d’être présentée Conseil européen de printemps pour adoption.
L’hémicycle divisé entre austérité et croissance
Parmi les autres grandes lignes directrices que chaque Etat membre devra respecter, le dosage entre austérité et relance dessine les grands clivages politiques. La plupart des députés du PPE insistent sur la consolidation budgétaire, tandis que la majorité des députés sociaux-démocrates veulent que l'Union privilégie les investissements et les mesures contre l'évasion fiscale.
Elisa Ferreira (S&D), rapporteure sur l’Examen annuel de la croissance, publié en novembre dernier par la Commission, regrette notamment la priorité excessive donnée au redressement des finances publiques. Elle considère que "la reprise de la croissance 2010 a été sapé par les mesures d'austérité", responsables de la récession que l'Union va connaître en 2013. Elle appelle donc la Commission à renforcer ses recommandations sur l'investissement en faveur de la croissance, sur la solidarité entre les États membres, et sur la légitimité démocratique du semestre européen, notamment pour une meilleure implication du Parlement européen.
L’adversaire le plus farouche du rapport Ferreira s’est révélé être Jean-Paul Gauzès (PPE), qui l’a qualifié d’ "inacceptable" et s’est exclamé qu' "on ne construira pas de croissance sur des nénuphars".
Beaucoup se sont demandés durant ce débat si les élus en faisaient suffisamment pour les citoyens et la croissance. Marian Harkin (ALDE) et MarijeCornelissen (Verts) ont ainsi interrogés l’hémicycle sur son action face aux attentes des citoyens, trop souvent victimes de querelles politiques internes.
Un semestre européen qui manque de légitimité démocratique
Le vice président de la Commission européenne, Olli Rehn, a salué le Parlement pour la qualité de ses "contributions" et son "rôle essentiel dans le débat sur les politiques économiques européennes".
Un "rôle encore un rôle trop limité" estime Veronica Lopé Fontagné (PPE). "Si nous voulons que les citoyens européens soutiennent ces mesures, il faut que les parlements nationaux et le parlement européen aient leur mot à dire", à chaque grande étape du semestre européen.
La question du déficit démocratique au sein du semestre européen, déjà pointée du doigt l’année précédente, a été scrutée plus récemment lors de la rencontre des députés européens et d’une centaine de députés nationaux à Bruxelles.
Hier, dans l’hémicycle, la position des députés était unanime. "La légitimité démocratique est insuffisante" a commenté Philippe Lamberts (Verts/ALE, Belgique). "Les parlementaires doivent avoir un droit de contrôle plus aigu". Leur participation pourrait s’effectuer en amont, sous la forme d’une consultation formelle du Parlement par la Commission européenne, avant même que celle ci ne formule ses propositions d'orientations.
Lucinda Creighton, représentante de la présidence irlandaise du Conseil, s’est montrée rassurante en affirmant "prendre en compte l’information qui remonte des parlements nationaux et parlement européen" en vue du Conseil européen de mars.
Loic Becart, Hélène Bonnet, Julia Ganansia, Camille Guttin