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Arnaud Danjean : "L’Union aurait dû intervenir plus tôt"


07 février 2013

Arnaud Danjean, eurodéputé membre du PPE et président de la sous-commission « Sécurité et défense », évoque sa déception devant la lenteur de l’UE à s'impliquer dans la crise malienne. Un défaut de réactivité qui ralentit la construction d’une défense commune. 

La France s’est engagée dans une guerre au Mali, pensez-vous que l’UE aurait du s’y associer? 

L’Union européenne aurait du intervenir plus tôt au Mali sachant que les problèmes avaient été identifiés il y a longtemps. Dans un premier temps en 2011, l’Union a mis en place une stratégie sur le Sahel, c’était une mission de formation. Et on constate que depuis rien n’a été fait et maintenant on va être amené à travailler dans l’urgence. 

Et dans un second temps il y a l’EUTM (European Union Training Mission), la seule mission militaire lancée par l’Union européenne, mais il ne s’agit pas d’une mission de combat. Elle a pour but de former et d’entraîner les forces armées maliennes. Il a fallu attendre qu’une crise ouverte se déclenche pour que l’Union agisse. Mais je ne me fais pas trop d’illusions sur cette mission. Il faudra attendre des années avant que les problèmes au Mali se règlent. 

 

Pourquoi, selon vous, les battlegroups prévus par l’Union n’ont pas encore été déployés ?

Les battlegroups ne sont pas des unités de combat, ce sont des groupes d’appui tactique et de soutien logistique. C’est un instrument virtuel qui devait être formé, pour la crise du Mali,  par la France, l’Allemagne et la Pologne. Mais l’Union européenne a un problème de procédure par rapport à l’urgence de manière générale. Surtout que certains États ont besoin de plus de temps pour intervenir dans une crise à l’extérieur de leurs frontières, la France est le seul pays de l’Union à pouvoir agir sur le terrain en quelques heures. 

 

François Hollande semblait regretter le peu d’implication de l’Union au Mali, quelle est votre position ? 

François Hollande a ce que j’appellerais l’Europe incantatoire. Ce que j’ai retenu de ce discours c’est surtout qu’il faut travailler sur l’Europe de la défense, il faut que les États s’unissent autour d’une défense commune. Mais il n’explique pas comment il veut arriver à cet objectif, ni quelles politiques il faudrait mettre en place, pas plus que les moyens à employer. C’est le seul qui peut agir mais il a une force de persuasion trop faible. Je ne me fais pas d’illusions quant à son rôle dans l’Union.

 

Qu’est-ce que l’Union devrait faire pour construire cette défense commune à votre avis ? 

Il ne faut pas se voiler la face. C’est un sujet difficile. À 27 pays aussi hétérogènes en terme de défense, les priorités politiques ne sont pas les mêmes. Il n’y a pas de progrès spectaculaires sur la question. Ce qui me convainc à plaider en faveur d’une défense commune, c’est que notre environnement stratégique nous le permet. On a longtemps compté sur les États-Unis et l’OTAN. Mais aujourd’hui la crise malienne n’est pas une priorité pour eux. Les États-Unis préfèrent se concentrer sur l’Asie Pacifique. C’est pourquoi les européens doivent pouvoir s’assumer en terme de défense, s’organiser, se donner les moyens d’intervenir dans les crises qui l’entourent. On le voit avec le Mali, mais on l’a vu pour la Syrie, ou la Libye... On ne peut pas toujours attendre que les États-Unis et l’OTAN agissent à notre place.

 

Dans la perspective du Conseil européen de décembre prochain consacré à la défense qu’attendez-vous de ces prochains mois ? 

La défense est quelque chose que l’on doit faire en collectif mais c’est aussi un sujet très récent pour l’Union. Ma crainte pour ce Conseil de décembre est que les priorités se tournent davantage sur les questions économiques et budgétaires, et que la question de la défense commune ne se cantonne qu’à des formules déclaratoires comme j’ai pu l’entendre avec le discours de François Hollande au Parlement européen. 

La défense commune de l’Union passe par la souveraineté nationale des États en terme de moyens. Ce qui est le principal problème à l’heure actuelle. J’espère que l’on ira plus loin que des bonnes intentions. 

 

Aurélie Albert

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