16 février 2012
Un peu exilés au Parlement européen, certains eurodéputés français sentent l'heure arrivée de rebondir sur la scène nationale et plongent dans les campagnes qui vont rythmer la vie politique française jusqu'à l'été. Quatre d'entre eux sont en lice pour les présidentielles. En cas de succès quelles conséquences, pour eux et pour le Parlement européen?
Eva Joly, Corinne Lepage, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, la bande des quatre « européens » de la course à la présidence se disputent déjà les faveurs des médias nationaux. Au cours de la session parlementaire de cette semaine, à Strasbourg, certains d'entre eux ont ainsi profité de la plateforme européenne pour donner de la voix sur la scène politique... française. Tant qu'à faire d'une pierre deux coups, pourquoi s'en priver !
Dans sa course aux parrainages, Marine Le Pen a exploité sa venue à Strasbourg pour y tenir un meeting dimanche avant d'aller rendre une petite visite, mardi, au maire bas-rhinois de Fort-Louis qui lui a promis sa signature. Le tout suivi par des équipes de journalistes. Quand à Jean-Luc Mélenchon, c'est depuis le Parlement européen qu'il a livré sa réaction à l'entrée en campagne officielle de Nicolas Sarkozy.
D'autres députés lorgnent eux la campagne des législatives. A ce stade, neuf d’entre eux sont déjà candidats pour siéger à l'Assemblée nationale après les élections de juin.
Il y a des ténors comme le non-inscrit Bruno Gollnisch pour le Front national qui tente une nouvelle fois de forcer les portes du Palais Bourbon. D'autres, moins connus, veulent se tailler une carrière nationale. Au PPE, il s’agit pour l’UMP, d’Arnaud Danjean, Agnès Lebrun et Franck Proust et pour le Nouveau Centre de Damien Abad. Au S&D, des socialistes Estelle Grelier, Kader Arif et Stéphane Le Foll. Patrick Le Hyaric (GUE) portera les couleurs du Front de gauche.
13 candidats au total sur les 74 eurodéputés français siégeant au Parlement européen, voilà qui fait du monde. D’autant que l’on pourrait ajouter à cette liste Rachida Dati qui voudrait bien, elle aussi, rompre son exil strasbourgeois et qui, pour l’instant, affirme toujours qu’elle se présentera face à François Fillon à Paris.
Les « dommages collatéraux » ont d’ailleurs déjà commencé puisque, début janvier, l’eurodéputé communiste, Elie Hoarau, a renoncé à son siège, officiellement pour se consacrer à ses fonctions au sein de son parti en vue des législatives.
Quels conséquences pour les candidats ?
La régle pour tous les députés européens, quelque soit leur pays d’origine est l’interdiction du cumul d’un mandat d’eurodéputé avec celui de parlementaire ou de membre un exécutif national. S’agissant de la France, l’article 6-3 de la loi 77-729 du 7 juillet 1977, relative à l’élection des représentants au Parlement européen stipule que, dans le cas d’une élection dans un parlement national ou à la présidence d’un pays celui-ci doit démissionner de sa fonction d’eurodéputé. Cela dans un délai de 30 jours. Sans réponse de leur part ou en cas de démission du dernier poste acquis, le mandat du poste antérieur deviendrait lui aussi caduc.
Pour faire simple, les nouveaux élus n’auront le choix qu’entre démissionner de leur fonction d’eurodéputé ou perdre à la fois leur nouveau mandat de député et celui d’eurodéputé. En cas d’élections, ces derniers feront donc, à coup sûr, leurs bagages.
Jean-Luc Mélenchon était présent dans l'hémicycle européen cette semaine...
Un handicap pour le Parlement ?
Ces départ n'entraveront pas le fonctionnement du Parlement européen. Ce dernier est en effet habitué aux départs et aux arrivées fréquents. Toutes nationalités confondues, 19 députés ont quitté leur fonction en 2011. On en compte déjà 6 depuis début 2012. Les modalités de remplacement varient selon les pays mais doivent toutes obéir à une règle mise en place par le Parlement européen : l'élection.
Elections partielles, désignation par un vote du parlement national, les méthodes appliquées sont diverses. En France selon l’article 24 de la loi du 77-729 du 7 juillet 1977, le remplaçant est le suivant sur la même liste lors des dernières élections européennes.
Chaque eurodéputé siégeant dans diverses commissions, il est d’usage que le nouveau venu reprenne les fonctions de la personne qu’il remplace. La répartition par nationalité des sièges en commissions résultant d’un accord complexe entre les différentes délégations nationales au sein des groupes politiques, il est périlleux de la remettre en cause. Cependant chaque délégation peut changer à sa guise la répartition de ses élus sur les postes qui lui reviennent. Deux eurodéputés PSE français siégeant dans deux commissions différentes pourront donc être interchangés à la guise de la délégation.
Si l’enjeu est faible pour les simples membres, il en va tout autrement lorsque les sortants assurent la présidence de commissions.
... tout comme Marine Le Pen et Bruno Gollnisch. Photos Marc Schmitt
Ce pourrait être le cas d’Eva Joly, présidente de la commission développement et d’Arnaud Danjean, président de la commission sécurité et défense. De source parlementaire, il apparait « peu probable » que leur remplaçant leur succèdent à ces postes très en vue. Le scénario le plus vraisemblable serait donc leur remplacement à ses postes par des « cadors » français de leur parti, qui quitteraient leur commission, libérant une place pour les nouveaux venus. Ces présidences pourraient aussi être utilisées comme monnaie d’échange avec d’autres délégations nationales du même groupe pour avancer des pions dans d’autres commissions. Bref, des changements seraient alors à prévoir.
Une preuve, s’il en fallait une, que la vie politique nationale influe aussi, même à la marge, sur le fonctionnement du Parlement européen.
Marc Schmitt