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Alain Lamassoure : "Le monopole du discours sur l'Europe appartient aux gouvernements nationaux"


16 février 2012

Alain Lamassoure (PPE/France) a été MInistre délégué aux affaires européennes de 1993 à 1995 (photo Lucie Marnas/Cuej)

Vous avez été en charge des relations entre l'UMP et le Parti Populaire Européen (PPE). En quoi consistait concrétement votre mission ?

A ce titre, je siégeais dans les instances du parti européen et, lorsque le dirigeant d'un parti frère venait à Paris, j'organisais la rencontre avec les dirigeants de l'UMP.

Cette fonction a pris fin il y a trois ans et je n'ai, à ce jour, pas de successeur. C'est, pour moi, le signe d'un mauvais fonctionnement : l'UMP n'est pas organisé pour peser au sein du PPE.

L'intervention de dirigeants européens dans les différentes campagnes électorales (Angela Merkel auprès de Nicolas Sarkozy, François Hollande et Sigmar Gabriel...) illustre-t-elle l'émergence de lignes directrices communes insuflées d'en haut par les partis politiques européens ?

Non, et je le regrette. Cela prouve que les partis politiques européens ne fonctionnent pas comme ils devraient. Dans le cadre de la famille PPE, la participation aux meetings est quelque chose d'habituel, mais sur le fond, la CDU et les autres partis politiques membres du PPE ne viendront pas alimenter le programme de l'UMP.

Pourtant selon les traités, les partis politiques européens ont vocation à encadrer les partis politiques nationaux. De plus, le calendrier s'y prête : après l'élection présidentielle française viendront les élections législatives allemandes en 2013, puis les élections au Parlement européen, en 2014.

Pourtant, du côté du PPE, la machine politique semble bien rôdée : sommets avant les réunions du Conseil européen, rencontres régulières des ministres des affaires étrangères...

Il est vrai que le président Wilfried Martens a organisé des réunions régulières : lorsque le Conseil de l'Union se réunit, les ministres PPE se rencontrent avant, afin de définir des lignes communes. Même chose avant les sommets européens, sous l'égide du président du parti.

De plus, avant chaque élection européenne, le PPE produit un document, son programme, élaboré par les représentants des partis frères et les organisations européennes rattachées au parti (employeurs, salariés...). Ce texte donne lieu à un débat intéressant lors du congrès PPE organisé quelques mois avant l'élection mais aucun média national n'en parle et personne ne s'en sert. A ce stade, le parti reste essentiellement un lieu de réunion. 

Dans ces conditions, peut-on alors véritablement parler de "partis" européens ? Quel impact sur les scènes politiques nationales ? 

Le système européen est un système de faux partis : il s'agit de confédération de partis politiques nationaux. En France, par exemple, il n'y a pas d'organisation du PPE. Celui-ci ne dispose pas d'assise territoriale dans les Etats membres : il s'appuye sur les partis politiques nationaux. 

Par conséquent, l'espace de débat politique reste national. A l'occasion de la campagne présidentielle, les Français vont vouloir décider entre eux de ce que sera l'avenir de la France en Europe. Le soutien des leaders PPE a donc une faible valeur ajoutée car l'Europe est l'objet mais pas le cadre du débat. 

Si l'émergence de cet espace dépend des partis politiques européens, qu'attendent-ils pour jouer leur rôle ? 

2014 sera le moment de vérité. En vertu du traité de Lisbonne, le futur président de la Commission européenne ne sera plus nommé comme un haut fonctionnaire international, par un accord politique entre les gouvernements, mais il le sera au Parlement européen, le lendemain de l'élection. 

Il y aura alors deux possibilités. Soit les partis politiques européens ne feront rien. Soit ils feront leur travail en présentant publiquement chacun un candidat qui fera campagne dans les 27 pays. Ceci va dans l'intérêt des citoyens puisque l'enjeu sera alors compréhensible par tout le monde. La personne élue deviendra Monsieur ou Madame Europe et sera fort de la légitimité de 500 millions d'européens. L'Europe aura alors un dirigeant politique qui lui sera propre.

A l'heure actuelle, des réflexions sont-elles engagées au sein du PPE ? Y a-t-il une prise de conscience de l'enjeu que constituent les prochaines élections au Parlement européen ?

Le PPE commence à s'en préoccuper : il a évoqué ce sujet lors de l'un de ses derniers sommets. Le mandat de Wilfried Martens arrivera à expiration d'ici là : il faudra donc, de toute façon, renouveler le leadership du PPE. Le PSE se trouve dans la même situation.

J'ajoute qu'en 2014, il faudra aussi renouveler statuairement le président du Conseil européen et le Haut-Représentant pour la politique extérieure. Donc les partis ne pourront pas éluder ces problèmes de choix de personne et, ici et là, des candidats commencent à apparaître, même s'ils restent relativement discrets.

Propos recueillis par Lucie Marnas

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